Forum sur la lecture de la Parole de Dieu

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NOTE : En raison du manque d'intervenants sur ce forum, nous avons décidé de le fermer définitivement. Vous trouverez, ci-dessous, les commetaires qui furent faits par M. Jean-Yves Thériault pendant l'année 2012 alors que le forum était encore actif.


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Site de la paroisse de la Bienheureuse-Élisabeth-Turgeon

3e dimanche du temps ordinaire, année C.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 1,1-4; 4,14-21.

Plusieurs ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui, dès le début, furent les témoins oculaires et sont devenus les serviteurs de la Parole. C'est pourquoi j'ai décidé, moi aussi, après m'être informé soigneusement de tout depuis les origines, d'en écrire pour toi, cher Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des renseignements que tu as reçus. Lorsque Jésus, avec la puissance de l'Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues des Juifs et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l'habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : l'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction. Il m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux prisonniers qu'ils sont libres, et aux aveugles qu'ils verront la lumière, apporter aux opprimés la libération, annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : "Cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit."

1. Trois moments et trois types d’acteurs dans la transmission évangélique: les témoins oculaires, devenus les serviteurs de la Parole, puis la mise par écrit. Notons que le témoins ne font pas seulement raconter les faits, ils deviennent "serviteurs de la parole". C’est dire qu’ils rendent "parlants" les événements. Ils en font saisir les sens. Sommes-nous toujours "serviteurs de la parole"?

2. La mise en écrit par Luc est aussi une oeuvre d’interprétation. Et elle est adressé à un "tu" (Théophile) pour que ce travail raffermisse sa foi. Nous, en cette années de la foi, en écoutant cet évangile, nous prenons la place de Théophile comme auditeur. Comment l’écoute de cet évangile nourrit ma foi?

3. Remarquons que le texte lucanien dit bien que Jésus "ouvre" le livre, puis qu’il le "referme" après avoir "trouvé" le passage d’Isaîe. Mais Luc ne montre pas Jésus en train de lire. C’est comme si, nous lecteurs, nous lisions le texte du prophète au moment où Jésus le "trouve" dans le livre. Cela a pour effet de mettre l’attention sur l’application que Jésus en fait, plus que sur sa lecture publique. Cela me dit que ce n’est pas seulement la "lecture" publique du texte qui compte, mais surtout son entendement aujourd’hui.

En écoutant Jésus qui se présente comme le messager consacré par l’Esprit du livre prophétique, nous devenons ces pauvres que l’heureuse annonce réconforte, ces prisonniers rendus libres, ces aveugles qui voient la lumière. Moi, j’ai le goùt de dire, comment cela se fait-il aujourd’hui pour moi? Est-ce que la parole entendue m’enrichit, m’éclaire, me libère dans ma vie de ce jour? En quoi cette annonce est-elle une "heureuse annonce" pour moi aujourd’hui?

2e dimanche du temps ordinaire, année C.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 2, 1-11.

Il y avait un mariage à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi avait été invité au repas de noces avec ses disciples. Or, on manqua de vin, la mère de Jésus lui dit : "Ils n'ont pas de vin." Jésus lui répond : "Femme, que me veux-tu ? Mon heure n'est pas encore venue." Sa mère dit aux serviteurs : "Faites tout ce qu'il vous dira." Or, il y avait là six cuves de pierre pour les ablutions rituelles des Juifs ; chacune contenait environ cent litres. Jésus dit aux serviteurs : "Remplissez d'eau les cuves." Et ils les remplirent jusqu'au bord. Il leur dit : "Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas." Ils lui en portèrent. Le maître du repas goûta l'eau changée en vin. Il ne savait pas d'où venait ce vin, mais les serviteurs le savaient, eux qui avaient puisé l'eau. Alors, le maître du repas interpelle le marié et lui dit : "Tout le monde sert le bon vin en premier, et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant." Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C'était à Cana en Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.

Le récit des « noces de Cana » est bien connu.

Mais parce qu'on le connaît bien on ne remarque plus ses bizarreries :

1. Le mariage et la noce sont l'occasion et non le centre du récit.
2. Au début (v. 1-2) on présente trois personnages comme invités, dans un ordre surprenant, mais pas de marié. Celui-ci (sans sa mariée) n'apparaît qu'indirectement, à la fin du récit (v. 9-10).
3. Pas de mariage comme tel, mais un repas réduit au fait que manque du vin.
4. Alors que par contraste, il y a 6 jarres de 100 litres pour l'eau des purifications (non pour boire). Jésus les fait remplir comme si elles ne suffisaient pas.
5. On ne parle ensuite que de ce qui est puisé et porté au maître du repas. Celui-ci goûte seulement (on ne dit pas que tous ont bu à satiété comme souvent on l'évoque).
6. Le questionnement vient de la source du vin, et de l'ordre du service, vu la qualité du vin.
7. Est non moins bizarre le dialogue entre « la mère » et Jésus (v.3-5).

L'étonnement nous amène à voir que le récit fait autre chose que décrire une noce humaine.

1. Jésus met en question (Quoi à moi et à toi, Femme) puis redéfinit la relation entre lui et sa mère. Elle, pense au vin qui manque, pour lequel il y aurait quelque chose à « faire ». Lui pense au moment d'un événement à venir. La « mère » s'efface, fait confiance et répartit les rôles en restant ouverte à la parole de Jésus (elle ne dit pas « quoi » faire).

2. C'est seulement quand elle est goûtée par le maître du repas que le texte parle de l'eau devenue vin. Rien ne signale (ou décrit) le moment de la transformation. De plus, alors que l'heure a été déclarée non encore venue, le maître trouve que le vin arrive trop tard. On voit que le vin offert à la fin n'est pas celui qui manquait au début. La figure du vin change de valeur en passant par l'eau de la purification.

3. Tout le PARCOURS de la figure de ce « qui est à boire » devient significatif : du vin de noces qui vient à manquer, en passant par l'eau des jarres qui évoque le rite et la loi, on arrive au vin nouveau défini par son goût de qualité meilleure, ne correspondant pas au vin qu'on attendrait à ce moment là des noces. Est d'abord dépassé l'usage normal du vin dans une noce, puis l'ordre religieux du culte et de la loi, vers quelque chose qui se cache sous la figure de cette « eau devenue vin » dans le contexte d'une noce, d'une alliance.

4. Au cours du récit, l'intervention de la (mère) amène Jésus à sortir du rôle d'invité et à prendre la place de l'époux, comme la méprise du maître de maison l'indique. Il donne le premier « signe » du don en abondance d'un vin nouveau. Une eau de purification rituelle et légale laisse place au vin abondant d'une alliance nouvelle. Ce texte ne dit pas tout, ce n'est que le début de Jean.

Le Baptême du Seigneur, année C.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 3, 15-16.21-22

Le peuple venu auprès de Jean Baptiste était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie. Jean s'adressa alors à tous : “Moi, je vous baptise avec de l'eau; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu.” Comme tout le peuple se faisait baptiser et que Jésus priait, après avoir été baptisé lui aussi, alors le ciel s'ouvrit. L'Esprit Saint descendit sur Jésus, sous une apparence corporelle, comme une colombe. Du ciel une voix se fit entendre : “C'est toi mon Fils : moi, aujourd'hui, je t'ai engendré.”

Remarquons d'abord que ce récit n'est pas "réaliste". Tout le "peuple" auprès de Jean-Baptiste qui adresse une parole à "tous" en même temps. Et puis "le ciel qui s'ouvre" ce n'est pas de la photographie. Nous devons donc être attentifs à ce qui se dit avec ces "images visibles", quelque chose qui n'est pas visible.

"Tout le peuple" c'est pour manifester que l'attente que cherche à créer Jean-Baptiste concerne tout les humains appelés à devenir peuple de l'alliance et à bénéficier du Messie.

On peut imaginer ce qu'est "être plongé dans l'eau" mais comment imaginer ce que signifie "être plongée dans le Souffle saint et le feu". En tout cas, cela doit produire des effets qui correspondent à une renaissance. On devient animé d'un autre "Souffle" et d'une autre "Flamme".

Remarquons que le baptême de Jésus lui-même n'est pas "raconté", il est seulement affirmé, comme inclus dans celui de tout le peuple. Mais ce qui suit montre ce que tous sont appelés à devenir.

Jésus qui est déjà né depuis une trentaine d'année, va naître à nouveau. Dans la "prière" il entend une voix: "C'est toi mon Fils : moi, aujourd'hui, je t'ai engendré." Comment peut-on être engendré dans une parole? Sans doute, faut-il être disposé à l'accueillir, à l'écouter et à s'y "soumettre".

Le "ciel qui s'ouvre", c'est pour manifester la source ou l'origine du "souffle" qui vient sur Jésus. En venant à Jésus le Souffle divin "prend corps". Le texte dit "COMME une colombe" pour signifier cette "apparence corporelle" que prend le souffle divin quand il vient en Jésus pour que celui-ci devienne fils, quelqu'un qui vit de la parole du Père et qui est animé par son Esprit.

Voilà aussi ce à quoi je suis appelé aujourd'hui en tant que "fils" et frère de Jésus.

Épiphanie du Seigneur.

Évangile selon saint Matthieu, 2, 1-12

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d'inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d'Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem en Judée, tu n'es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d'Israël mon peuple. » Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l'étoile était apparue; puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant. Et quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que j'aille, moi aussi, me prosterner devant lui. » Sur ces paroles du roi, ils partirent.Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue se lever les précédait; elle vint s'arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l'enfant. Quand ils virent l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

L'Évangile de ce dimanche commence comme une biographie bien localisée: "Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand." Mais la biographie s'arrête et interviennent des étrangers, des "mages" qui lisent dans les astres. La naissance de Jésus déplace ces personnages qui mettent Hérode et Jérusalem en émoi parce qu'ils s'informent du lieu de la naissance du ROI DES JUIFS. À Jérusalem, au coeur du judaïsme, il semble qu'on en savait rien et cette nouvelle dérange.

Là, c'est dans l'Écriture que les savants cherchent. Les astres et l'Écriture ensemble pointent vers Bethléem. Tous savent maintenant le lieu, mais seuls les mages se remettent en mouvement. Le savoir ne fait qu'inquiéter Hérode et il cherche à éliminer celui en qui il voit un riva, bien qu'il ait dit: "devait naître le MESSIE". Les chefs des prêtres et tous les scribes d'Israël se contentent d'étaler leur savoir,ils ne sont ni émus, ni dérangés dans leur confort savant.

Les mages eux se mettent en route, ils suivent l'étoile jusqu'à destination. Le texte dit : "elle vint s'arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l'enfant". C'est l'enfant qui détermine le lieu du rassemblement. Et dans cet enfant les mages font reconnaître par leur attitude et présents, ce qui n'est pas visible, un roi. Ils donnent ainsi naissance à Jésus comme ROI. Puisque la présence de Joseph est omise dans ce texte, c'est comme s'ils jouaient le rôle de père pour le roi naissant. C'est peut-être à cause de ce rôle royal qu'on a été amené à parler de "rois" mages alors que le texte dit seulement des "mages" venus d'Orient, sans leur donner le titre de roi.

Jean-Yves Thériault, 2 janvier 2013

3e dimanche de l'Avent, année C.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 3, 10-18

Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : "Que devons-nous faire ?" Jean leur répondait : "Celui qui a deux vêtements, qu'il partage avec celui qui n'en a pas; et celui qui a de quoi manger, qu'il fasse de même !" Des publicains (collecteurs d'impôts) vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : "Maître, que devons-nous faire ?" Il leur répondit : "N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé." À leur tour, des soldats lui demandaient : "Et nous, que devons-nous faire ?" Il leur répondit : "Ne faites ni violence ni tort à personne; et contentez-vous de votre solde." Or, le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Messie. Jean s'adressa alors à tous : "Moi, je vous baptise avec de l'eau; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le feu. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier; quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s'éteint pas." Par ces exhortations et bien d'autres encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle.

L'évangile de ce dimanche, lui, parle de "foules" (au pluriel) qui venaient se faire baptiser par Jean. Et à ces foules qui demandent quoi FAIRE, le baptiseur répond pourtant au singulier (à "celui" ou celle), donc individuellement.

Je comprends que le "faire" en question est en vue de la préparation de la venue du Seigneur dont a parlé l'évangile de dimanche dernier. Selon Jean, chacun-e a quelque chose à faire pour aplanir la route et et redresser les déviations de la voie pour cette venue.

Et le faire de chacun-e est relié à ce qu'il est dans sa vie ordinaire et quotidienne. Je vois qu'il s'agit de faire régner le partage, la justice et l'équité dans le quotidien de nos vies. À chacun et chacune de trouver ce qui lui convient en fonction de sa situation concrète. Car c'est dans sa pratique quotidienne concrète que se réalise cette participation à la venue du Seigneur.

Puis le texte utilise l'image de la "plongée" dans l'eau (baptême) pour parler de ce que fera le plus puissant: une plongée dans l'Esprit et une plongée dans le feu. J'imagine qu'un bain d'Esprit cela doit changer l'esprit qui nous anime, et qu'un bain de feu cela doit brûler la "paille" de nos vies pour faire place à ce qui nourrit vraiment.

Jean-Yves Thériault, 13 décembre 2012

2e dimanche de l'Avent, année C.

Évangile selon saint Luc 3, 1-6

L'an quinze du règne de l'empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode prince de Galilée, son frère Philippe prince du pays d'Iturée et de Traconitide, Lysanias prince d'Abilène, les grands prêtres étant Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie. Il parcourut toute la région du Jourdain; il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés, comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe : À travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées; les passages tortueux deviendront droits, les routes déformées seront aplanies; et tout homme verra le salut de Dieu.

L'évangile selon Luc commence en donnant des références d'un empire et de principautés, avec des seigneurs, des princes et des grands prêtres, pour situer un évènement qui est d'un tout autre ordre: une parole divine adressée à un homme encore peu connu dans un désert qui n'a même pas de nom.

Mais cette parole met en mouvement le fils de Zacharie dans un espace désigné par un cours d'eau. Assez curieusement, il est dit qu'il "proclame" un baptême en vue d'une transformation (un retournement ou un changement d'esprit) en vue de recevoir ce qui est appelé une "rémission" (différent de pardon) des péchés, c'est-à-dire comme une "remise de ses dettes.

Le texte dit ensuite : "comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe". Et pourtant Jean n'est plus dans le désert, il ne crie pas mais baptise, et sa proclamation ne correspond pas au texte d'Isaïe. Il semble que ce qui se passe avec Jean le Baptiseur n'est pas comme tel "l'accomplissement" des Écritures mais une interprétation qui donne le sens profond de ce qui est écrit qui remplit de sens le texte d'Isaïe.

On peut penser qu'aplanir les endroits tortueux et redresser les voies tordues pour accueillir la venue du Seigneur qui vient (bien différent des seigneurs du début), c'est opérer un changement de mentalité ou effectuer un retournement complet dans l'orientation de sa vie.

Jean-Yves Thériault, 5 décembre 2012

Premier dimanche de l'Avent, année C.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 21, 25-28. 34-36

Jésus parlait à ses disciples de sa venue : "Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l'homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s'alourdisse dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l'improviste. Comme un filet, il s'abattra sur tous les hommes de la terre. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d'échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l'homme."

En ce dimanche, commence une AVENTure dans l'attente de la venue de Jésus comme Seigneur de nos vies.

L'évangile parle d'une venue en des termes qui restent toujours "apeurants". On doit comprendre que s'annonce un évènement qui fera saisir ce qu'il en est de la valeur fondamentale d'une vie humaine. L'heure du discernement radical. Ce n'est pas l'évangile de la fin du monde mais celui de la venue du FILS DE L'HOMME.

Effondrement des repères habituels de notre monde et crainte pour la disparition des humains regroupés en nations s'opposent à la manifestation de ce qu'est en vérité profonde le FILS DE L'HOMME, celui en qui se manifeste par excellence l'ÊTRE HUMAIN" réalisé selon le bon plaisir du Père.

Ce qui pour le monde et les nations est temps d'agitation, de "stress" et de peur s'avère pour les disciples de Jésus moment de redressement et de libération.

Ce temps du jugement définitif (pour chaque génération) viendra pour tous-tes et pour chacun-e. Pour se trouver "debout" devant le FILS DE L'HOMME", il s'agit de rester en veille. Veiller, c'est écarter ce qui nous disqualifie (débauche, ivresse et inquiétudes diverses qui nous envahissent) pour se tourner vers (s'ouvrir et y accéder) l'humanité manifestée dans le FILS DE L'HOMME.

Jean-Yves Thériault, 28 novembre 2012

32e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 12, 38-44

Dans son enseignement, Jésus disait : "Méfiez-vous des scribes, qui tiennent à sortir en robes solennelles et qui aiment les salutations sur les places publiques, les premiers rangs dans les synagogues et les places d'honneur dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement : ils seront d'autant plus sévèrement condamnés."

Jésus s'était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait la foule déposer de l'argent dans le tronc. Beaucoup de gens riches y mettaient de grosses sommes. Une pauvre veuve s'avança et déposa deux piécettes. Jésus s'adressa à ses disciples : "Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu'elle avait pour vivre."

Agissant comme enseignant, Jésus dénonce l'agir des scribes qui pervertit ce noble métier : au lieu d'ouvrir à la voie du Seigneur, les scribes s'en servent pour se faire valoir. Jésus invite les auditeurs à ne pas leur donner une confiance aveugle mais à garder une distance critique.

Ce qu'ils « aiment » est de l'ordre du visible, du spectacle, de l'image qu'ils donnent d'eux mêmes aux autres. C'est le triomphe des apparences, la primauté du paraître. Leur autre caractéristique, décrite de manière brève mais saisissante, c'est de « dévorer » les maisons des veuves en donnant comme prétexte de longues prières. Ils se font les prédateurs de femmes déjà démunies (veuves). L'acte de prier est décrit par sa « longueur, la quantité des énoncés prononcés plutôt que par la qualité de la rencontre avec Dieu. Ils en restent à la dimension comptable et mesurable de la prière. Ils oublient le rapport à Dieu. Un bon test pour nos prières!!!

Grand contraste donc avec le geste de la pauvre veuve, geste loué par Jésus comme conclusion de tout son enseignement dans le temple de Jérusalem. Alors que Mc n'a jamais montré Jésus en train d'observer l'autel et les activités du culte, il nous le fait voir « assis » face au lieu où se trouvait le tronc pour recevoir les offrandes. Jésus s'intéresse donc au trésor comme lieu où l'on fait un don. Et il invite à considérer ce qui fait la qualité d'une offrande. Un bon test pour nos offrandes!!!

La foule, comme un bloc uniforme, jette dans le trésor « du cuivre » et des riches, beaucoup. En regard de cela Jésus fait voir qu'une veuve pauvre y met 2 piécettes discrètes, signe de son manque, expression de son besoin de recevoir. Surprise! Au lieu de féliciter la femme ou de lui venir en aide, Jésus appelle ses disciples pour leur en parler. Il nous invite donc aussi à devenir les dépositaires de son dernier enseignement dans le lieu saint et à saisir l'importance de ce qu'il va dire.

Par rapport à tous ceux qui jettent dans le tronc, la veuve constitue l'exception que l'on doit reconnaître. Cette pauvre a DONNÉ plus que tous. Jésus renverse l'échelle des valeurs en substituant celle du don à celle de l'argent. C'est sur le plan du DON, que la pénurie de la veuve surclasse le surplus de tous. Le don est évalué du point de vue de la personne qui donne et non du montant donné. Le don du surplus ne crée pas de manque : ce surplus comme offrande fait qu'on enrichit sa réputation en faisant une offrande sonnante. Par contre, en donnant discrètement de sa pénurie, selon Jésus, la veuve fait un double don : tout ce qu'elle possède et même sa subsistance. En donnant elle creuse son manque. Son geste représente le don de sa vie dans une confiance totale. Par rapport aux scribes qui misent sur le paraître, cette veuve, en déficience totale par rapport au paraître et à l'utile, se donne totalement dans ce geste qui constitue tout son être. Elle se donne en s'en remettant totalement à l'Autre.

Jean-Yves Thériault, 8 novembre 2012

31e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 12, 28b-34

Un scribe s'avança vers Jésus pour lui demander : "Quel est le premier de tous les commandements ?" Jésus lui fit cette réponse : "Voici le premier : Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas de commandement plus grand que ceux-là." Le scribe reprit : "Fort bien, Maître, tu as raison de dire que Dieu est l'Unique et qu'il n'y en a pas d'autre que lui. L'aimer de tout son coeur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices." Jésus, voyant qu'il avait fait une remarque judicieuse, lui dit : "Tu n'es pas loin du royaume de Dieu." Et personne n'osait plus l'interroger.

Jésus dit au scribe: "Tu n'es pas loin du royaume de Dieu."

On peut se demander ce qui manque au scribe pour en être plus près...

Je vois la réponse dans la manière d'énoncer le commandement.

Le scribe dit: "L'aimER (Dieu) de tout son coeur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimER son prochain comme soi-même, vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices." Le scribe cherche l'identification d'un « commandement » qui ait priorité, qui joue un rôle principal par rapport aux autres.

Le scribe parle à l'infinitif. Alors que Jésus dit : "TU aimeRAS le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Voici le second : TU aimeRAS ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas de commandement plus grand que ceux-là."

Dans la bouche de Jésus le commandement devient personnel (tu). C'est la réponse que quelqu'un fait à un appel et non la soumission à une loi écrite. Et Jésus en distingue deux qui ne doivent pas être considérées comme les premiers d'une liste mais dans une catégorie qui surplombe tous les autres.

Jésus fait aussi précéder l'énoncé du commandement d'un appel à l'écoute : « Écoute, Israël ». L'énoncé semble venir d'une voix qui l'adresse à l'ensemble du peuple et qui invite à se mettre dans une disposition d'écoute pour recevoir la parole qui sera donnée à entendre dans le cadre d'une alliance. Puis le commandement prend la forme d'un appel à un « tu ». Celui qui reconnaît le Dieu et Seigneur unique est invité à assumer le commandement en tant qu'interpelé, dans une relation de proximité ou d'alliance. Le commandement n'est pas simplement une loi posée comme loi, c'est un appel, une incitation à entrer en relation, comme sujet de parole, avec celui qui lui parle. Quelqu'un appelle un autre à une relation intersubjective dans la parole qui s'exprime en acte dans la mise en œuvre du commandement.

Si le prochain est un autre moi-même, l'aimer c'est sans doute vouloir qu'il devienne un sujet autonome et créateur comme je le souhaite pour moi.

Si le scribe est un bon maître de loi, il n'est pas encore un disciple comme Jésus l'attend des siens. Peut-être est-il appelé par Jésus à voir le double commandement de l'amour, non comme un acte à accomplir mais comme un don qu'il reçoit pour vivre ?

Jean-Yves Thériault, 31 octobre 2012

30e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 10, 46b-52

Tandis que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples et une foule nombreuse, un mendiant aveugle, Bartimée, le fils de Timée, était assis au bord de la route. Apprenant que c'était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : "Jésus, fils de David, aie pitié de moi !" Beaucoup de gens l'interpellaient vivement pour le faire taire, mais il criait de plus belle : "Fils de David, aie pitié de moi !" Jésus s'arrête et dit : "Appelez-le." On appelle donc l'aveugle, et on lui dit : "Confiance, lève-toi; il t'appelle." L'aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Jésus lui dit : "Que veux-tu que je fasse pour toi ? - Rabbouni, que je voie." Et Jésus lui dit : "Va, ta foi t'a sauvé." Aussitôt l'homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route.

À la sortie de Jéricho, quand le groupe avec Jésus a repris la route, se produit la rencontre de Bartimée. Le récit est centré sur la démarche de l'aveugle et les gens de l'entourage participent à l'événement.

Observons la situation initiale de Bartimée (aveugle, mendiant, assis seul en retrait, à l'écart du groupe qui marche sur la route) et sa position finale (il voit et il marche à la suite de Jésus sur le chemin de Jérusalem).

Notons aussi les étapes de sa transformation. En contraste avec le groupe nettement en route l'aveugle paraît seul, stationnaire et à l'écart du mouvement général. Sa situation d'aveugle et de mendiant ne l'empêchera pas de se faire entendre de Jésus malgré le blocage qu'on lui fera. Au départ, la tentative de prise de contact se fait par le cri. Il fallait cependant l'insistance de Bartimée pour surmonter l'obstacle venu de l'extérieur (l'entrave des gens), annuler la distance et atteindre l'oreille de Jésus. Son cri suppose qu'il se tourne vers Jésus en se plaçant dans une position de mendiant qui crie au secours et demande une attention bienveillante. Il ne fait pas une profession de foi, il lance une supplication, et c'est davantage un cri de mendiant, qu'une demande d'aveugle. Sa persistance provoque cependant un arrêt de Jésus. Celui qui chemine et que tous les autres suivent, s'arrête, et du coup cela transforme les relations entre les personnages. Et son appel par médiation provoque un déplacement surprenant d'un mendiant aveugle. Celui qui appelait devient appelé : « Confiance ! Lève-toi ! Il t'appelle. » L'homme n'est plus vu comme un mendiant aveugle. Il est pris en considération au titre d'un « appelé ». C'est déjà une première transformation.

Distingué ou reconnu pas celui qui passe et orienté par l'appel reçu, la réaction de Bartimée dépasse celle attendue d'un aveugle mendiant : rejet du manteau (abandon de son état de mendiant), bond montrant l'intensité de son désir de communication personnelle, mise en marche pour venir sur le chemin où Jésus s'est arrêté. Debout,mis en marche vers le lieu ou se tient Jésus.

Suit un dialogue personnel dans lequel se précise le désir de l'appelé. La question de Jésus montre qu'il ne voit pas devant lui un aveugle en recherche de guérison, mais un homme en état de besoin avec qui il entre en communication par la parole. L'homme peut exprimer son désir en sachant qu'il est écouté comme un « tu » par un « je ». À ce moment réapparaît « l'aveugle » qui dit son désir de voir. Il semble important que ce désir s'exprime seulement quand l'homme arrivé en face de Jésus lui parle. Comme s'il fallait qu'une relation interpersonnelle s'établisse pour que l'enjeu représenté par la capacité de voir se précise. Il réclamait de l'attention et de la pitié. Au maître (Rabbouni), à celui qui éclaire par la parole, il demande de voir. La rencontre dans la parole constitue le moment central de la transformation.

Après cela, le récit arrive rapidement à son terme. Jésus ne restaure pas la vue de Bartimée en prononçant une parole de guérison. Il lui dit qu'il peut partir comme un être libéré en faisant un constat que personne d'autre ne peut voir : « ta foi t'a sauvé ». Jésus raconte et caractérise de son point de vue la transformation profonde de Bartimée. La vision n'est pas obtenue par une puissance que Jésus mettrait en œuvre pour réaliser les attentes de cet homme. Elle arrive plutôt comme attestation dans le corps de l'aveugle que Jésus dit vrai quand il dit « ta foi t'a sauvé ». La foi qui sauve dans ce récit ne consiste pas en un énoncé de foi qui aurait été confessé par l'aveugle. C'est toute la démarche qui aboutit à suivre Jésus vers Jérusalem. La foi pour le mendiant de Jéricho, c'est d'avoir saisi l'occasion de ce passage de Jésus pour sortir de sa misère en s'ouvrant à lui jusque dans l'effort de la rencontre et l'ouverture de la parole.

Jean-Yves Thériault, 23 octobre 2012

29e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 10, 35-45

Jacques et Jean, les fils de Zébédée, s'approchent de Jésus et lui disent : "Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande." Il leur dit : "Que voudriez-vous que je fasse pour vous ?" Ils lui répondent : "Accorde-nous de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ta gloire." Jésus leur dit : "Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ?" Ils lui disaient : "Nous le pouvons." Il répond : "La coupe que je vais boire, vous y boirez ; et le baptême dans lequel je vais être plongé, vous le recevrez. Quant à siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m'appartient pas de l'accorder, il y a ceux pour qui ces places sont préparées." Les dix autres avaient entendu, et ils s'indignaient contre Jacques et Jean. Jésus les appelle et leur dit : "Vous le savez : ceux que l'on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous : car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude."

La discussion sur les places et préséances suit immédiatement une troisième annonce de la passion. L'entretien introduit par une demande faite en aparté par les deux fils de Zébédée donne à Jésus l'occasion d'élargir à tout le groupe un enseignement sur la place que doit viser le « premier » dans la communauté nouvelle qui s'instaure.

La demande de Jacques et Jean surprend par sa formulation : « Maître, nous voulons que, ce que nous allons te demander, tu le fasses pour nous. » Ils s'adressent à Jésus comme au Maître, tels des disciples prêts à écouter, mais au lieu de demander de l'instruction, ils réclament une place d'associés dans l'exercice d'autorité. Ils disent « nous voulons », « que tu fasses pour nous ». Ils réclament ainsi que Jésus accomplisse ce qu'eux veulent. Ils ont confiance en la qualité de leur désir, car il engage une participation active à l'œuvre de Jésus.

Jésus accorde une valeur à leur démarche et y reste ouvert. De fait ce qu'ils demandent n'est ni un droit, ni une récompense, ni même un privilège, mais un « don » qu'ils croient Jésus capable d'accorder : être associés de près à la fonction de Jésus dans la mise en œuvre du règne de Dieu, y occuper des places de responsabilité. On ne doit pas d'emblée qualifier leur requête comme étant égoïste. Elle peut relever d'une générosité de candidats prêts à assumer d'importantes responsabilités dans le royaume tel qu'eux l'envisagent. La suite du dialogue montre que ni la pureté de leur intention ni la sincérité de leur demande n'est en cause.

La réplique de Jésus montre cependant qu'est en jeu une manière d'entendre ce qu'il en est du règne de Dieu. Leur intervention déconnectée de ce qui précède montre qu'ils comprennent mal la montée à Jérusalem en cours. Pour eux, c'est une ascension vers la gloire de Jésus : il y va pour inaugurer un règne, avec des ministres. Ils sont dans un imaginaire du succès de leur aventure avec Jésus sans tenir compte du réel cheminement du Fils de l'homme.

Jésus agit en Maître. Il les ramène à son enseignement sur le chemin de Jérusalem. Il les avertit qu'ils se trompent d'objet de demande. L'emploi de métaphores signale qu'on doit se mettre en état questionnement. C'est une coupe à « boire » : ce qu'elle contient doit être assumé par un buveur comme ce que Jésus va vivre bientôt. Il n'écarte pas la demande des fils de Zébédée, mais il leur montre le dur chemin pour être à ses cotés dans la gloire. Par rapport à l'acte de boire la coupe qui est plus actif, celui d'être baptisé est présenté comme une action subie. Nous avons l'avantage d'entendre cette parole juste après la troisième annonce du destin du Fils de l'homme : le baptême en question ici doit y renvoyer. Nous y reconnaissons la même structure d'une passion à travers laquelle il faut passer pour une surrection, une plongée suivie d'une élévation. Si on accepte d'être plongé dans l'eau de ce bain, ce n'est pas pour y rester, mais pour en sortir transformé grâce à l'intervention de l'autre, pour une naissance dans une nouvelle condition de vie.

Jean-Yves Thériault, 16 octobre 2012

28e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 10, 17-30

Jésus se mettait en route quand un homme accourut vers lui, se mit à genoux et lui demanda : "Bon Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ?" Jésus lui dit : "Pourquoi m'appelles-tu bon ? Personne n'est bon, sinon Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas de meurtre, ne commets pas d'adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère." L'homme répondit : "Maître, j'ai observé tous ces commandements depuis ma jeunesse." Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l'aimer. Il lui dit : "Une seule chose te manque : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor au ciel, puis viens et suis-moi." Mais lui, à ces mots, devint sombre et s'en alla tout triste, car il avait de grands biens. Alors Jésus regarde tout autour de lui et dit à ses disciples : "Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d'entrer dans le royaume de Dieu !" Les disciples étaient stupéfaits de ces paroles. Mais Jésus reprend : "Mes enfants, comme il est difficile d'entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu." De plus en plus déconcertés les disciples se demandaient entre eux : "Mais alors, qui peut être sauvé ?" Jésus les regarde et répond : "Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu."

Sur le chemin vers Jérusalem (10, 32) « un homme » s'introduit à Jésus : son interrogation introduit une vraie question animée par le désir d'« hériter » d'une vie qui dure. Elle est arrimée à une volonté pratique : « que ferais-je? » Pour lui, l'enjeu porte sur une pratique adaptée à un héritage à venir. Dans l'évangile de ce dimanche, d'autres images s'ajoutent à « vie éternelle » pour figurer cet autre « monde » que l'on cherche à mettre en langage : « trésor au ciel », « royaume de Dieu », « être sauvé », « dans le siècle qui vient ». Toute une variation de figures pour essayer de parle d'une espérance à venir.

L'homme satisfait de lui, interroge Jésus en tant que détenteur autorisé d'un savoir (maître). Jésus le renvoie d'abord à la source compétente en qualité de vie qu'il cherche. Puis il fait prendre conscience à l'homme de son questionnement en terme de « faire » (« que ferais-je ») et le renvoie à l'instance compétente en ce domaine : les commandements ». Ce premier fondement n'est pas disqualifié.

Mais la reprise de parole par Jésus va opérer un déplacement de valeurs et transformer cette prise en compte de la valeur de l'observance des commandements. Jusque là, l'accent est mis sur le faire. Celui qui montrait son attente en venant s'agenouiller devant Jésus est un homme riche de sa pratique et qui attend le couronnement de cette plénitude. Jésus va l'ouvrir à une autre attente. Il pointe quelque chose qui lui manque : « une chose te manque ». Jésus veut son bénéfice au-delà d'une amabilité de surface. Il propose des performances qui vont le détacher de ce dont il est déjà comblé. La solution proposée comporte une double mise à l'épreuve : sur le plan du rapport à l'avoir, « va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres» , sur le plan de la relation interpersonnelle, « puis, viens, suis-moi ». Suivre Jésus en considérant autrement le lien qu'il entretient à ses biens. Le fait qu'il ait un manque se trouve camouflé par son avoir beaucoup, se cache sous la possession « de grands biens » et dans la satisfaction procurée par la pleine observance de la loi. L'enjeu de la consigne de Jésus n'est pas un déplacement de biens pour un meilleur équilibre social. Elle vise une transformation de l'interlocuteur lui-même par un dépouillement volontaire de son avoir. Il s'agit de le faire accéder au monde de la gratuité, de le libérer de l'instinct naturel d'appropriation des objets, et même des personnes, pour le faire entrer dans le régime du don.

Et le «trésor au ciel » ne doit pas être pris comme une récompense du mérite. Il nous fait passer du domaine connu et familier où se font la vente et le troc à ce monde inconnu et mystérieux d'un « trésor » à recevoir. Dans cette autre dimension figurée par « au ciel », nous comprenons qu'« avoir un trésor » fait figure d'une forme de vie dans laquelle l'avoir est éliminé au profit de l'être. En ce lieu, pour recevoir il faut se reconnaître en manque. D'une perspective de sujet compétent et réalisé dans la pratique de la loi , en passant par un sujet plein sur le plan de l'avoir, qui s'ouvre à l'autre dans le don de ses biens , on arrive dans un autre ordre de représentation à un sujet ouvert à la relation à l'autre. Dans l'espace appelé « ciel », le manque est pris comme une valeur précieuse, parce qu'i l ouvre à la rencontre de l'autre. Au «ciel » le manque s'inscrit comme « avoir un trésor » car il rend possible la rencontre des sujets dans la parole, la reconnaissance réciproque. Pour l'homme riche le premier test consiste à découvrir cette valeur qui lui échappe parce qu'elle reste cachée sous sa richesse matérielle et morale.

Jean-Yves Thériault, 9 octobre 2012

26e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 9, 38-43. 45. 47-48

Jean, l'un des Douze, disait à Jésus : “Maître, nous avons vu quelqu'un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l'en empêcher, car il n'est pas de ceux qui nous suivent.” Jésus répondit : “Ne l'empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n'est pas contre nous est pour nous. Et celui qui vous donnera un verre d'eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. Celui qui entraînera la chute d'un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu'on lui attache au cou une des ces meules que tournent les ânes, et qu'on le jette à la mer. Et si ta main t'entraîne au péché, coupe-la. Il vaut mieux entrer manchot dans la vie éternelle que d'être jeté avec tes deux mains dans la géhenne, là où le feu ne s'éteint pas. Si ton pied t'entraîne au péché, coupe-le. Il vaut mieux entrer estropié dans la vie éternelle que d'être jeté avec tes deux pieds dans la géhenne. Si ton œil t'entraîne au péché, arrache-le. Il vaut mieux entrer borgne dans le Royaume de Dieu que d'être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s'éteint pas.”

L'évangile de ce dimanche présente de petites instructions liées ensemble par de mots crochets.

La première est introduite par une remarque de Jean. Il cherche à préserver le « nous » que les Douze composent avec Jésus : un collectif qui se considère comme le dépositaire exclusif de l'usage du « nom » de Jésus, qui n'accepte pas la concurrence de gens en dehors de ce cercle. Le groupe tend ainsi à se refermer autour de ce qui le constitue. S'exerce un rapport problématique avec quelqu'un qui n'est pas du groupe et qui utilise un pouvoir qu'il lie au « nom » de Jésus.

En prenant en considération le cas rapporté, Jésus donne un principe qui justifie sa position et permet d'analyser des situations semblables : les relations avec ceux qui ne sont pas reconnus comme des nôtres. Jésus réagit nettement contre l'exclusivité que les Douze voudraient avoir sur son « nom » : il s'oppose à la délimitation et à la fermeture. Il demande de mettre fin à la tentative d'arrêter l'exorciste (« Ne l'empêchez pas »). En expliquant sa position, il modifie cep l'angle de l'interprétation faite par Jean. Au lieu de s'arrêter aux conditions d'appropriation du dynamisme qui s'exerce dans l'expulsion des démons, Jésus attire l'attention sur l'énergie mise en action : elle « parle en bien » de lui puisqu'elle est bienfaisante et fait référence à son « nom ». L'homme n'est pas le propriétaire de l'énergie qui se déploie quand il invoque le nom de Jésus. Mais son action « parle » de la source désignée par l'invocation du « nom » de Jésus, de la puissance libératrice qui est agissante dans cet acte. Le champ d'action de ce dynamisme bienfaisant déborde le cercle reconnu des Douze. Jésus se solidarise ainsi dans un « nous » plus large que ses interlocuteurs immédiats. Il fait sortir d'un « nous » qui cherche à s'identifier comme groupe par la possession et l'exercice exclusif d'un pouvoir bienfaisant et il ouvre à un « nous » largement déterminé par le fait de reconnaître le dynamisme qui est à l'œuvre en Jésus.

La parole sur le verre d'eau, selon notre logique, ne suit pas ce qui précède. Ceux auxquels Jésus s'adresse sont passés au poste de ceux qui sont accueillis, en situation de besoin ou de dépendance par rapport à qui leur donnera à boire. Ce texte se situe bien au-delà de l'échange de services. Il implique un ordre de valeur au niveau de la reconnaissance de l'autre dans ce qui fait sa dignité. La valeur des actions posées dépend surtout de la valeur que l'on reconnaît à l'autre en les faisant. Voilà bien un autre critère d'action ! Si on donne, prend-on en considération le prix du don ou la valeur de celui à qui on donne ?

Jean-Yves Thériault, 25 septembre 2012

25e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 9, 30-37

Jésus traversait la Galilée avec ses disciples, et il ne voulait pas qu'on le sache. Car il les instruisait en disant. “Le Fils de l'homme est livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, trois jours après sa mort, il ressuscitera.” Mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles et ils avaient peur de l'interroger. Ils arrivèrent à Capharnaüm, et, une fois à la maison, Jésus leur demandait : “De quoi discutiez-vous en chemin ?” Ils se taisaient, car, sur la route, ils avaient discuté entre eux pour savoir qui était le plus grand. S'étant assis, Jésus appela les Douze et leur dit : “Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous.” Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d'eux, l'embrassa, et leur dit : “Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille. Et celui qui m'accueille, ne m'accueille pas moi, mais Celui qui m'a envoyé.”

Jésus instruit à nouveau ses disciples du « chemin » que suit le Fils de l'homme ». En Mc, c'est la deuxième annonce de ce parcours. Sa reprise montre l'importance de cette instruction pour la formation des disciples : ils doivent l'entendre (même sans la comprendre) avec insistance car elle caractérise le cheminement de toute personne qui veut suivre Jésus sur le chemin qu'il entreprend.

L'emprise DES hommes conduit à tuer LE Fils de l'homme. Face à cette surprenante entreprise, le parcours non moins énigmatique du Fils de l'homme va vers une « surrection » en passant à travers la mort. La cause de sa mort (sa livraison aux mains des hommes) nous paraît saisissable, mais le fait qu'il se lève après trois jours reste bien mystérieux. Son itinéraire suit une loi qui échappe à l'entendement : passer par la mort pour surgir d'une vie qui durera. La façon habituelle de voir et d'entendre la mort et la vie est transformée dans ce que Jésus dit. On ne doit pas s'étonner que les disciples n'arrivent pas à intégrer dans leur savoir cette parole qui leur est dite. En effet, comme les disciples nous restons sans comprendre et, comme Pierre, nous voudrions souvent que Jésus soit un autre genre de sauveur : qui ne passe pas par la mort.

Au v. 33 l'entretien situé dans une maison concerne la pratique des disciples. Il éclaire la vie menée à la lumière du destin accepté par Jésus. Ils ne comprenaient pas. Ils sont maintenant embarrassés d'avouer l'objet des préoccupations qui les animent pendant que Jésus parlait de mort et de vie. Il intervient de sa propre initiative et d'autorité pour parler du renversement de l'échelle des valeurs dans l'évaluation du « plus grand ». L'enfant mis au milieu des Douze devient l'étalon, celui qui représente la petitesse du « dernier et serviteur de tous ».

Les disciples sont désignés comme « Douze » : ils sont concernés en tant que groupe spécialement choisi et constitué par Jésus, comme représentants d'une forme de primauté et d'autorité. La leçon qui va suivre leur est spécialement destinée» en tant que constitués pour représenter une certaine structure dans une communauté naissante. Il s'agit d'un ordre de grandeur à l'intérieur d'un ensemble social ou communautaire. La perspective est aussi clairement orientée vers la pratique.

D'abord une affirmation en style juridique, comme une règle pratique pour évaluer les cas particuliers : « si quelqu'un veut…» Jésus il lance une parole qui vaut pour n'importe qui voudra bien la recevoir et la faire sienne. Personne n'a à réclamer la dernière place. Il suffit d'être humble et serviteur de tous. Dans l'échelle de valeur proposée par Jésus, il sera alors « premier ». On ne doit pas entendre la parole de Jésus comme un règlement communautaire pour un groupe humain, car il serait impossible à mettre en application. Cette parole doit être entendue comme une invitation à corriger la façon d'estimer la qualité des personnes en renversant notre échelle des valeurs. Jésus n'opère pas un renversement de structure communautaire et d'organisation sociale mais il appelle une révision des valeurs qui inspirent les rapports entre les êtres humains. Ce serait en effet une grande révolution dans la façon vivre en relation si on s'inspirait de cette sentence paradoxale dans nos communautés humaines.

Quand Jésus prend un enfant, qu'il le place au milieu des Douze et qu'il le prend dans ses bras, il ne donne pas un exemple de conduite envers l'enfant. L'enfant est le type ou l'image de toute personne qui, sans avoir le même âge ou la même apparence, est équivalente ou comparable à lui. Il ne s'agit pas de supprimer toute considération de grandeur ou de dignité, ni d'annuler toute hiérarchie. Jésus fait voir la véritable richesse à prendre en considération. Il révèle un renversement dans ce qui inspire la prise en considération des personnes, des places et des rôles.

Jean-Yves Thériault, 18 septembre 2012

24e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 8, 27-35

Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages situés dans la région de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il les interrogeait : “Pour les gens, qui suis-je ?” Ils répondirent : “Jean Baptiste ; pour d'autres, Élie ; pour d'autres, un des prophètes.” Il les interrogeait de nouveau : “Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?” Pierre prend la parole et répond : “Tu es le Messie.” Il leur défendit alors vivement de parler de lui à personne. Et pour la première fois il leur enseigna qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les chefs des prêtres et les scribes, qu'il soit tué, et que, trois jours après il ressuscite. Jésus disait cela ouvertement. Pierre le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : “Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes.” Appelant la foule avec ses disciples, il leur dit : “Si quelqu'un veut marcher derrière moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais celui qui perdra sa vie pour moi et pour l'Évangile, la sauvera.”

Jésus est encore en déplacement et il interroge ses disciples.

Certes il n'est pas lui-même en recherche de son identité. Il ne cherche pas à savoir "qui il est". Mais ce qu'on dit de lui. Et toi, que dis-tu de Jésus?

Les gens renvoient à des modèles connus, à des personnages du passé dont il verrait le retour ou la répétition. Il veulent maintenir le passé.

Pierre se risque dans une parole. Mais ce qu'il dit de Jésus relève d'une image du Messie dont il rêve et qu'il voudrait voir se concrétiser.

Peut-être que Jésus nous rabrouerait aussi quand nous proposons des images de lui. Sommes-nous certains qu'elles correspondent pas à ce qu'il est vraiment.

Il faut suivre tout le parcours du Fils de l'Homme que trace Jésus avant de nous aventurer à sa suite...

Renoncer à soi-même et prendre sa croix cela ne veut pas dire simplement accepter de souffrir et de mourir. On doit surtout renoncer aux images qu'on se fait se soi, ou aux images de soi qu'on voudrait donner aux autres. Et on ne choisit pas sa croix: elle nous est imposée par la vie. L'important est de l'assumer sans se fermer aux autres.

Et perdre sa vie c'est ne pas la vivre simplement pour soi, mais en s'ouvrant aux autres. C'est ainsi que notre vie prendra du sens, qu'elle sera "sauvée".

Celui qui est mort le soir des élections, n'a pas choisi de mourir, mais sa vie donnée ce soir-là fait qu'il est devenu "vivant" pour des millions de personnes.

Jean-Yves Thériault, 11 septembre 2012

23e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 7, 31-37

Jésus quitta la région de Tyr ; passant par Sidon, il prit la direction du lac de Galilée et alla en plein territoire de la Décapole. On lui amène un sourd-muet, et on le prie de poser la main sur lui. Jésus l'emmena à l'écart, loin de la foule, lui mit les doigts dans les oreilles, et, prenant de la salive, lui toucha la langue. Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c'est-à-dire : « Ouvre-toi ! » Ses oreilles s'ouvrirent ; aussitôt sa langue se délia, et il parlait correctement. Alors Jésus leur recommanda de n'en rien dire à personne ; mais plus il le leur recommandait, plus ils le proclamaient. Très vivement frappés, ils disaient : « Tout ce qu'il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets. »

L'évangile de ce dimanche n'est pas un simple récit de guérison. Il convient surtout d'être attentif aux bizarreries de cette courte narration. Jésus ne fait pas ce qu'on lui demande (imposer les mains) mais autres choses. De même les gens font le contraire de ce que Jésus leur recommande. De plus ces gens témoignent de ce qu'ils n'ont pas vu car Jésus s'est retiré seul avec l'homme. On peut aussi s'étonner du détail accordé aux gestes de Jésus (v. 33-34) Enfin à qui ou quoi s'adresse la parole « ouvre-toi » (mieux : soit ouvert), car l'homme est sourd et le récit dit après que ses « oreilles s'ouvrent » et que sa langue est déliée… Pourtant ce n'est pas lui qui parle ensuite… Si le sourd parlait mal, les gens eux parlent trop, du moins selon Jésus.

Les surprises observées nous avertissent d'y regarder à deux fois. Cela doit signifier quelque chose que Jésus accède, avec modification et réserve, à une requête concernant un sourd mal-parlant. Se peut-il que son action pourrait être mal comprise (encore aujourd'hui)?

Le moment de la guérison se réalise dans un corps à corps très intime entre l'homme et Jésus. Dans le reste du récit, ce sont les gens et Jésus qui sont en relation par la parole et il n'y a pas de vraie rencontre. Comme éclairage, je cite quelques extraits de Jean Delorme (L'heureuse annonce…).

À la parole de Jésus, les oreilles d'un sourd s'ouvrent et la langue d'un bègue se dénoue et parle correctement, mais de multiples oreilles restent sourdes à une autre parole de Jésus et les langues se délient sans frein contre son gré.

En d'autres circonstances en Mc, il est apparu que la recherche de ceux qui recouraient à lui visait à court terme des valeurs sensiblement différentes de celles qui le guident tout au long de son action au service du règne de Dieu.

La réaction des gens porte la marque de l'excès… À les entendre, Jésus n'a rien fait d'autre que ce qu'on lui avait demandé. On se contente de généraliser son action en la mettant sous le signe du nombre et de l'abondance. Les propos cités ne correspondent pas à la description détaillée des gestes attentionnés de Jésus pour une personne unique. On ne s'interroge pas sur la signification de sa manière d'agir, qui étonne en Mc. Rien n'est dit qui débouche sur une recherche, sur un questionnement… La consigne de silence, quoique violée, est insistante et confirme ce que le livre a déjà indiqué de diverses manières : la trajectoire de Jésus ne peut être jugée au coup par coup. Ses actes bénéfiques sont remémorés de telle manière que leur interprétation est mise en réserve, renvoyée à plus tard, à distance de ce que comprennent les autres acteurs de l'histoire racontée, si bien intentionnés soient-ils. Le passé de Jésus était en attente d'être dit « correctement ».

Le lecteur y est invité ici par le contraste qui se passe de commentaire, tant il est appuyé, entre des acteurs qui s'activent en paroles et celui qui ne fait rien que de se laisser faire. Les uns parlent à sa place ou discourent sur Jésus sans l'avoir écouté. L'autre, qui reçoit de bien entendre et de bien parler, se tait.

Jean-Yves Thériault, 5 septembre 2012

22e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 7,1-8. 14-15. 21-23

Les pharisiens et quelques scribes étaient venus de Jérusalem. Ils se réunissent autour de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c'est-à-dire non lavées. - Les pharisiens en effet, comme tous les Juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, fidèles à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s'être aspergés d'eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d'autres pratiques : lavage de coupes, de cruches et de plats. - Alors les pharisiens et les scribes demandent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leurs repas sans s'être lavé les mains. » Jésus leur répond : « Isaïe a fait une bonne prophétie sur vous, hypocrites, dans ce passage de l'Écriture : Ce peuple m'honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Il est inutile, le culte qu'ils me rendent ; les doctrines qu'ils enseignent ne sont que des préceptes humains. Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes. » Puis Jésus appela de nouveau la foule et lui dit : « Écoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l'homme et qui pénètre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui rend l'homme impur. » Il disait encore à ses disciples, à l'écart de la foule : « C'est du dedans, du cœur de l'homme, que sortent les pensées perverses : inconduite, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l'homme impur. »

Après une incursion de quelques semaines en Jn, nous revenons à Mc. L'évangile de ce dimanche n'est pas encore ci-haut mais vous pouvez le trouver dans vos bibles. Le texte liturgique tronque le chapitre 7 de Mc. Il vaut mieux le lire dans son ensemble (Mc 7, 1-23).

Le texte joue sur une opposition entre le dehors et le dedans (aussi entrer et sortir). Et s'ajoute la distinction dans l'homme entre le cœur et le ventre. Et l'opposition entre la tradition des hommes et le commandement de Dieu.

Le ventre est pris dans son sens corporel et il figure une sorte de canal ouvert aux deux bouts. Si bien que ce qui y entre en ressort sans vraiment pénétrer dedans. Quant au cœur, il s'agit moins du cœur physique : il représente ici le dedans, singulier en chacun. Et l'opposition porte sur deux mouvements opposés, de l'extérieur au dedans et de l'intérieur au dehors. Le cœur et le ventre ne sont plus seulement des organes qui font partie du corps, ce sont deux signifiants de l'être humain (comme aussi les lèvres).

Le parcours qui passe par le ventre est décrit avec réalisme. Il relativise l'importance du ventre parmi les fonctions constitutives de l'homme. Cela relativise l'importance de la réglementation du manger « pur ». D'ailleurs, de ce point de vue, on peut entendre Jésus dire que le ventre se charge de purifier les aliments, retenant ce qui nourrit et rejetant aux latrines le mauvais. Jean Delorme dit : « Un processus naturel préside à l'élimination de ce qui ne convient pas à l'homme et accomplit à sa manière une purification efficace qui n'a rien de rituel. » Le fait de manger est réduit à sa fonction naturelle. La distinction entre aliments purs et impurs est ainsi privée de bien-fondé.

Au lieu de se protéger de l'extérieur (selon la tradition des Anciens) on devrait se prémunir de ce qui sort de nous et nuit aux autres (le commandement de Dieu). C'est envisager l'être humain dans sa complexité et au niveau des comportements qui proviennent du cœur.

Le texte autorise d'autres applications. L'honneur rendu à Dieu sort de l'homme. Mais s'il ne vient que des « lèvres », s'il n'a pas sa source dans le « cœur », il ne sort pas vraiment de l'être humain. Et si la parole, le commandement de Dieu, reste dans l'oreille (ou passe aux lèvres par un discours qui répète comme un perroquet) sans vraiment pénétrer dans le « cœur », la personne n'en est pas transformée. L'évangile que nous écoutons en ce dimanche cherche par l'oreille le chemin du « cœur ». Si elle pénètre au plus intime, elle tendra à produire au dehors, en parole et en acte, ce qui est bon pour les autres.

Jean-Yves Thériault, 30 août 2012

21e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 60-69

Jésus avait dit dans la synagogue de Capharnaüm : "Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle." Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, s'écrièrent : "Ce qu'il dit là est intolérable, on ne peut pas continuer à l'écouter !" Jésus connaissait par lui-même ces récriminations des disciples. Il leur dit : "Cela vous heurte ? Et quand vous verrez le Fils de l'homme monter là où il était auparavant ?... C'est l'esprit qui fait vivre, la chair n'est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas." Jésus savait en effet depuis le commencement qui étaient ceux qui ne croyaient pas, et celui qui le livrerait. Il ajouta : "Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père." À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s'en allèrent et cessèrent de marcher avec lui. Alors Jésus dit aux Douze : "Voulez-vous partir, vous aussi ?" Simon-Pierre lui répondit : "Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu."

Ceux qui murmurent se trouvent maintenant parmi les disciples. Les paroles de Jésus deviennent cause de scandale, c'est-à-dire une pierre contre laquelle on achoppe. Cette pierre d'achoppement est parfois en nous : quelque chose en nous fait obstacle à l'avancée sur le chemin que propose Jésus. Quand on se scandalise, selon la formule biblique, cela renvoie souvent à quelque chose chez le scandalisé.

Cela veut dire qu'on a oublié en écoutant le discours de Jésus que le Fils de l'homme est descendu du Ciel. C'est-à-dire que rien de ce qui a été dit ne pourrait être dit si c'était simplement le fils de Joseph qui vous parlait. C'est-à-dire qu'à travers ce qui est dit il y a une réalité qui échappe totalement à nos prises. Jésus parle comme il peut en prenant des métaphores (Je suis le pain de Vie, manger ma chair et boire mon sang), car il ne peut dire autrement les choses. « Si vous voyiez le Fils de l'homme monter là où il était auparavant », cela suppose qu'il a disparu de la vue. Parce que le don de sa chair et de son sang, c'est sa passion, le passage par la mort, c'est-à-dire sa disparition visuelle. Dire « manger ma chair et boire mon sang » s'il est là devant eux ne peut prendre sens, si on veut éviter le cannibalisme, qu'à partir du moment où il ne sera plus là.

Il faut faire attention avec la « présence réelle » eucharistique. Parce que si on « imagine » qu'à la consécration Jésus descend sur l'autel en « chair », on pervertit cette présence. La présence dans l'eucharistie n'est pas une présence mise en image, elle n'est pas imaginable parce que c'est une présence-absence. Nous sommes réunis autour de la table du Seigneur qui, étant absent sensiblement, reste réellement présent en signe. Si on oublie ça, c'est du cannibalisme. La communion n'est pas du cannibalisme, justement parce que celui que l'on mange, sa chair est absente tout en étant sacramentellement présente. C'est cela un mystère de foi : s'il était imaginable, il n'y aurait pas besoin de foi. Vous désirez ma présence, mais le jour où je ne serai plus là, ces paroles vous reviendront et vous êtes susceptibles de les entendre autrement. Donc il faut passer par cette épreuve de la disparition de celui qui parle. À partir du moment où celui qui dit cela a disparu. Ses paroles demeurent. Cela veut dire que « manger ma chair » et « boire mon sang » il faut l'ENTENDRE DIRE car on ne peut pas le comprendre en dehors de la parole qui en parle. Il faut passer par le langage pour recevoir ces paroles. C'est-à-dire qu'il faut passer par cette espèce de confiance en celui qui parle et cette relation entre celui qui parle et celui qui écoute. Et ces paroles il faut les ruminer, les mastiquer et les incorporer. Donc « manger ma chair et boire mon sang », cela veut donc dire aussi manger les paroles qui parlent de cette nourriture. On ne peut pas mastiquer sa chair et boire son sang sans que ça ne passe par l'incorporation des paroles prononcées. C'est pourquoi à la consécration il vaut mieux manger les paroles que se mettre à genou pour adorer celui qui serait subitement présent dans l'hostie et le calice mis en ostentation.

Comme le reconnaît Pierre, ce sont les paroles de Jésus qui sont dites esprit et vie et non pas sa chair. Ou mieux, sa chair devient vrai aliment de vie parce qu'il en parle ainsi. C'est sa manière de révéler le sens de sa mort. On ne peut manger sa chair et boire son sang en dehors des paroles dites. Ce ne sont pas des choses, ce sont (selon le terme grec) des CHOSES DITES, pas des paroles en l'air, mais des événements parlés. Ou des paroles événementielles. Cela ne veut pas dire que Pierre a mieux compris que les autres, mais que, pour lui, ce qui compte, c'est la relation à la parole dite.

Jean-Yves Thériault, 23 août 2012

20e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 51-58

Jésus disait à la foule : "Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel : si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie." Les Juifs discutaient entre eux : "Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ?" Jésus leur dit alors : "Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui. De même que le Père qui est vivant, m'a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par moi. Tel est le pain qui descend du ciel : il n'est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement."

"si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez pas son sang."

Pour accepter cet énoncé sans qu'il devienne intolérable, il faut l'entendre en lien avec ce qui a été dit auparavant: "Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel". Ce qu'il s'agit de "manger" (de "macher" ou de "mastiquer" selon le terme grec) c'est le pain venu du ciel. Et on a vu que ce pain n'était vraie nourriture que s'il était accueilli dans un "croire" avec la parole qui le désigne ainsi. "Manger" est donc ici de l'ordre du croire, un croire qui devient une mastication pour prendre le temps d'assimiler en mastiquant cette nourriture venue du ciel.

Et cette manducation n'est pas seulement intellectuelle ou spirituelle. Elle implique le corps car "Le pain que je donnerai, c'est ma CHAIR".

Et cette "chair", dit le texte c'est celle qui est "donnée pour que le monde ait la vie." Donc, le corps de Jésus en tant qu'il est le lieu de la vie qu'il donne, en tant qu'il transforme la mort subie en don de sa vie. Voilà de quoi nourrir notre propre vie. Manger de cette "chair" comme nourriture d'une vie qui dure c'est s'incorporer au don de sa vie, non pas seulement mentalement, mais corporellement en suivant cette voie qu'il nous ouvre, celle du don de sa vie.

Il s'agit bien de communion car "Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui." Parler de manger et de chair montre bien que le corps est impliqué dans cette communion au don de sa vie comme Jésus.

La chair et le sang de celui qui parle doivent être entendus comme pain et comme breuvage qui nourrissent la vie de celui ou celle qui s'incorpore à Jésus en tant qu'il donne sa vie. De sorte que la mort de Jésus n'est pas celle d'une victime de meurtre mais le don d'une vie pour nourrir spirituellement la vie de tous.

Jean-Yves Thériault, 15 août 2012

19e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 41-51

Comme Jésus avait dit : "Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel", les Juifs récriminaient contre lui : "Cet homme-là n'est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors, comment peut-il dire : Je suis descendu du ciel ?" Jésus reprit la parole : "Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. Certes, personne n'a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi a la vie éternelle. Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie."

J'ai mis un peu de temps à intervenir, mais j'y suis. Un extrait de Jn encore un peu difficile... (NB Je ne mets pas de guillemets car le système bloque alors mon envoi)

Jésus dit: je suis le Pain. La formule est étonnante. Il est clair qu'il n'est pas du pain. Il fait rencontrer deux signifiants : son être et l'élément indispensable à la vie (le pain de vie). Et il dit que l'un EST l'autre, sans qu'on puisse voir ni savoir comment cela se peut. Il faut respecter à la fois cet inconnu de la parole et la force de la formule. Cette parole ne distribue pas un savoir, elle ne raisonne pas, ne cherche pas à convaincre. Elle parle au-dedans de l'auditeur à son vouloir vivre, à sa faim de pain, et à sa faim de parole venue d'un autre à qui se fier.

Je suis le pain descendu du ciel. Encore plus étonnant. Ce que les auditeurs savent de son origine et de ses parents, cela relève du voir. Jésus ne renie pas ses parents, pas plus que son corps, qui est le lieu où peuvent se rencontrer, selon le voir, Jésus et ceux qui viennent à lui. Mais ce qui se donne à voir là dépasse ce savoir et s'éclaire à partir de sa parole. Le voir et le croire se conjuguent encore dans ce texte. À nous de bien les distinguer si on ne veut pas rester dans l'noion des Juifs. Il y a tension nécessaire entre d'une part, ce qu'on peut savoir des origines humaines, des lieux et des temps historiques de Jésus et, d'autre part, ce qui se révèle dans sa parole. La première connaissance a ses repères dans le temps et l'espace. La seconde cherche ses repères dans le temps et l'espace mystérieux d'un être qui parle et qui échappe au voir. Pour rencontrer Jésus tel qu'il est, il faut relier les DEUX.

Pour la suite du texte, remarquez que le discours johannique est très composé, avec les correspondances et des retours. Le mode de composition invite à faire des allers et retours. C'est comme si on était pris dans un mouvement d'approfondissement, de méditation, qui fait approfondir une parole entendue.

Pour vous aider à lire : notez le jeu de ce qui circule entre les trois acteurs principaux (le Père, Je, et celui qui ou nul). Et aussi remarquez que c'est comme une histoire, avec du passé, du présent et de l'avenir.

Bonne méditation!

Jean-Yves Thériault, 9 août 2012

18e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 6, 24-35

La foule s'était aperçue que Jésus n'était pas là, ni ses disciples non plus. Alors les gens prirent les barques et se dirigèrent vers Capharnaüm à la recherche de Jésus. L'ayant trouvé sur l'autre rive, ils lui dirent : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. Ne travaillez pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l'homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son empreinte. » Ils lui dirent alors : «Que faut-il faire pour travailler aux oeuvres de Dieu ? » Jésus leur répondit : « L'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé. » Ils lui dirent alors : « Quel signe vas-tu accomplir pour que nous puissions le voir, et te croire ? Quelle oeuvre vas-tu faire ? Au désert, nos pères ont mangé la manne ; comme dit l'Écriture : Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. » Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c'est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. Le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. » Ils lui dirent alors : « Seigneur, donne-nous de ce pain-là, toujours. » Jésus leur répondit : « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif. »

Nous sommes revenus dans l'évangile de Jean, qui donne de l'importance aux "signes".

Mais on s'aperçoit que le terme "signe" n'a pas la même valeur pour Jésus que pour la foule. Pour Jésus c'est une nourriture du "croire". Pour les gens c'est comme une preuve de la puissance pour nourrir le corps, et quelque chose à "voir".

Il y a aussi deux sortes de nourriture: l'une, que nous connaissons bien, nourrit nos corps, elle permet de survivre à condition d'en prendre régulièrement et elle n'empêche pas de mourir, l'autre se garde éternellement et elle est DONNÉ.

Jésus parle de "travailler" pour cette nourriture et pourtant il dit que c'est "l'oeuvre de Dieu" et le seul "travail" qu'il demande c'est de "croire".

Qu'en est-il aussi de ce "pain venu du ciel", un pain qui est d'un autre ordre que le pain du boulanger, un pain qui donne la vie. Et ce pain c'est Jésus: un pain qui annule la faim et qui étanche la soif. De quelle faim et de quelle soif est-il question?

Voilà de quoi réfléchir!!!

Jean-Yves Thériault, 2 août 2012

17e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 1-15

Jésus était passé de l'autre côté du lac de Tibériade (appelé aussi mer de Galilée). Une grande foule le suivait, parce qu'elle avait vu les signes qu'il accomplissait en guérissant les malades. Jésus gagna la montagne, et là, il s'assit avec ses disciples. C'était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs. Jésus leva les yeux et vit qu'une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : "Où pourrions-nous acheter du pain pour qu'ils aient à manger ?" Il disait cela pour le mettre à l'épreuve car lui-même savait bien ce qu'il allait faire. Philippe lui répondit : "Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun ait un petit morceau de pain." Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre. lui dit : "Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons, mais qu'est-ce que cela pour tant de monde !" Jésus dit : "Faites-les asseoir." Il y avait beaucoup d'herbe à cet endroit. Ils s'assirent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes. Alors Jésus prit les pains, et, après avoir rendu grâce, les leur distribua ; il leur donna aussi du poisson, autant qu'ils en voulaient. Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : "Ramassez les morceaux qui restent, pour que rien ne soit perdu." Ils les ramassèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux qui restaient des cinq pains d'orge après le repas. À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : "C'est vraiment lui le grand Prophète, celui qui vient dans le monde." Mais Jésus savait qu'ils étaient sur le point de venir le prendre de force et faire de lui leur roi ; alors de nouveau il se retira, tout seul, dans la montagne.

Pour lancer l'échange cette semaine, je vous fais travailler.

On appelle habituellement ce récit: "multiplication des pains". Alors, je vous mets au défi de me montrer à quel endroit ce texte parle d'une "multiplication" de pain ou de poissons.

C'est nous lecteurs et lectrices qui imaginons qu'il y a eu une "multiplication". Le texte ne raconte pas que les pains et poissons se multiplient mais que Jésus, après avoir "traité" les cinq pains et les deux poissons d'une manière particulière les "distribue" aux gens organisés en convives.

Il convient donc d'être attentif au "traitement" de la nourriture par le "traiteur" Jésus.

Et de se demander: de quelle nourriture s'agit-il donc pour qu'à partir d'un "petit peu", s'il est traité à la manière de Jésus, peut nourrir une foule et qu'on puisse ramasser des corbeilles de restes précisément au nombre des douze apôtres?

Jean-Yves Thériault, 23 juillet 2012

16e dimanche ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 6, 30-34.

Après leur première mission, les Apôtres se réunissent auprès de Jésus, et lui rapportent tout ce qu'ils ont fait et enseigné. Il leur dit : "Venez à l'écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu." De fait, les arrivants et les partants étaient si nombreux qu'on n'avait même pas le temps de manger. Ils partirent donc dans la barque pour un endroit désert, à l'écart. Les gens les virent s'éloigner, et beaucoup les reconnurent. Alors, à pied, de toutes les villes, ils coururent là-bas et arrivèrent avant eux. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de pitié envers eux, parce qu'ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les instruire longuement.

Selon la consigne de Jésus, je me repose un peu. Je reprends des extraits de "L'heureuse annonce selon Marc". Je reviendrai si "la foule" le réclame...

"Nous reprenons le fil du récit de la mission des « Douze » (v. 7-13). Les « envoyés » (c'est le sens premier du terme « apôtres ») reviennent et rendent compte à l'envoyeur de leur activité : « ce qu'ils ont fait et ce qu'ils ont enseigné. » (…) Curieusement « les apôtres » mettent l'accent sur la quantité des actions faites et des enseignements donnés. Et contrairement à la priorité donnée jusqu'ici à la parole, ils font passer le « faire » avant l'enseignement. Sont-ils comme la foule plus impressionnés par les « actes de puissance »?

Jésus ne porte pas de jugement sur leur mission accomplie mais l'invitation au repos vaut bien comme une appréciation positive. (…) Le projet qu'il forme leur est spécialement destiné. C'est la première fois qu'il parle de repos et qu'il les emmène pour cela « à l'écart », « dans un lieu désert », inhabité, solitaire. Ce besoin d'intimité entre eux s'explique par les dérangements subis là où ils se retrouvent du fait de nombreux gêneurs qui viennent et qui s'en vont. (…)Les déplacements manifestent un désir : celui de Jésus et des siens est bien défini, l'endroit visé est celui du repos et du repas tranquille loin de la foule. Celui des coureurs à terre est focalisé sur le même endroit mais que désirent-ils? C'est aussi flou que l'attente d'une masse qui s'agglutine autour d'un homme ou d'un groupe devenu célèbre. (…)

Les compagnons de Jésus disparaissent du champ de vision du narrateur au profit d'un gros plan sur Jésus, comme s'il était seul à sortir de la barque : « il vit une foule nombreuse et il fut pris de compassion pour eux. » Ce regard et ce coup de cœur vont changer les enjeux du récit et la distribution des rôles. La vision que Jésus a de la réalité noive, « une foule nombreuse », ne reste pas neutre chez lui : elle se charge d'une émotion à l'égard des personnes qui composent cette foule, une émotion qui le prend aux entrailles, qui affecte son corps et transforme sa perception avant toute décision réfléchie à leur endroit. Un sujet s'éveille en Jésus face à ces gens : il se sent interpellé par eux tels qu'il les perçoit avec émotion.

Au spectacle qui s'offre aux yeux, une autre image s'ajoute en surimpression, « car ils étaient comme des brebis n'ayant pas de berger ». C'est une métaphore bien acclimatée dans la Bible mais il importe de préciser ce qu'elle fait ici pour ne pas céder à des rapprochements de surface. Le spectacle n'est pas celui d'un troupeau égaillé ou de brebis dispersées : la foule est rassemblée et attend Jésus. Il a fallu qu'il tente de fuir pour qu'ils se mettent ensemble à sa poursuite. (…) On ne peut dire qu'il épouse leur désir, car la compassion de Jésus n'est pas issue d'une analyse de leurs dispositions. Elle s'enracine dans un appel qui vient d'ailleurs et que Jésus entend à travers eux. Face à cette foule de gens il se voit comme porteur de cet appel. Jésus ne les considère plus comme des gê(…) « Il se mit à leur enseigner beaucoup de choses ». Comme le plus souvent, nous ignorons de quoi il parlait. Mais c'est la première mise en œuvre d'une compassion « pour eux », non pour une masse indifférenciée, un troupeau, mais pour les personnes qui sont là et qu'il traite, en enseignant, comme des humains, pas comme des moutons. (…) L'enseignement de Jésus est caractérisé seulement par son abondance. Ce trait n'apparaît ailleurs que pour l'enseignement en paraboles (4, 2). Il est souligné ici par la durée, en dépit de l'heure qui passe et qui inquiètera les disciples (v. 35-36). Cette note d'abondance reviendra avec le repas offert à tous qui suivra et qu'ils n'attendent pas plus que l'enseignement.

Jean-Yves Thériault, 17 juillet 2012

15e dimanche du temps ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 6, 7-13

Jésus appelle les Douze, et pour la première fois il les envoie deux par deux. Il leur donnait pouvoir sur les esprits mauvais, et il leur prescrivit de ne rien emporter pour la route, si ce n'est un bâton ; de n'avoir ni pain, ni sac, ni pièces de monnaie dans leur ceinture. "Mettez des sandales, ne prenez pas de tunique de rechange." Il leur disait encore : "Quand vous avez trouvé l'hospitalité dans une maison, restez-y jusqu'à votre départ. Si, dans une localité, on refuse de vous accueillir et de vous écouter, partez en secouant la poussière de vos pieds : ce sera pour eux un témoignage." Ils partirent, et proclamèrent qu'il fallait se convertir. Ils chassaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d'huile à de nombreux malades, et les guérissaient.

Malgré l'absence de foi de ses compatriotes, Jésus poursuit l'heureuse annonce. Il lui donne même plus d'extension en envoyant les apôtres (les Douze) prolonger son action dans les villages d'alentour.

Pourquoi les envoyer deux par deux, sinon pour signifier que l'heureuse annonce n'est pas une affaire individuelle ou personnelle de l'apôtre. Ils sont envoyés en témoins…, pour témoigner qu'ils sont eux-mêmes touchés par l'évangile et qu'ils sont des envoyés et qu'ils en portent les marques.

D'où l'équipement minimal requis. L'efficacité tient à la parole qu'ils portent et la source qui les envoie. L'heureuse annonce demande plus un détachement qu'un équipement lourd. Étant plutôt en manque, ils devront demander pour subsister et offrir la parole. Moins d'avoir ou de savoir à distribuer que de présence réconfortante à soutenir quand l'accueil reçu la rend possible.

Nous imaginons plutôt l'apôtre comme celui qui part avec ses valeurs, son savoir et ses certitudes pour en gratifier les autres. Et si le manque était une manière de ressentir le besoin de rencontrer celui que la marche met sur notre route… muni seulement de la parole qui nous vient de Jésus.

Voilà pour commencer à réfléchir…

Jean-Yves Thériault, 10 juillet 2012

14e dimanche du temps ordinaire, année B

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 6, 1-6

Jésus est parti pour son pays, et ses disciples le suivent. Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Les nombreux auditeurs, frappés d'étonnement, disaient : « D'où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? N'est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses soeurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à cause de lui. Jésus leur disait : « Un prophète n'est méprisé que dans son pays, sa famille et sa propre maison. » Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Il s'étonna de leur manque de foi. Alors il parcourait les villages d'alentour en enseignant.

Cette fois, je procède en deux temps.

1. Je présente d'abord quelques observations sur le texte, largement tirées du livre « L'Heureuse annonce selon Marc » (Jean Delorme et Jean-Yves Thériault). Des réflexions suivront…

En Mc l'évangile d'aujourd'hui suit immédiatement celui de dimanche dernier : Jésus sort de la maison de Jaïre « et il vient dans sa patrie ». De la maison de Jaïre au village des pères (« patrie ») la distance est remarquable quant à la foi.

La « patrie » est le lieu de l'enracinement dans une lignée et dans une population qui le connaît. L'absence de toute curiosité anecdotique indique cependant qu'on ne doit pas y chercher un compte rendu. L'histoire est racontée pour le bénéfice du lecteur. Pourquoi en effet raconter une déconvenue, sinon pour en tirer leçon? Il faudra discerner comment la manière de raconter en fait une histoire signifiante pour un lecteur supposé capable de réfléchir.

Le récit se déroule en deux parties de facture différente. La première est faite surtout de paroles rapportées, des auditeurs de Jésus d'abord, puis de celui-ci (v. 2-4). La seconde partie raconte à la 3e personne, sans parole citée (v. 5-6).

La première partie pose un fait : Jésus enseigne dans sa patrie, à la synagogue, un jour de sabbat (v. 2a). Les auditeurs réagissent et leur discours revient là-dessus en y ajoutant ses « actes de puissance » : c'est un deuxième niveau, celui d'une interprétation introduite par la question « D'où, à celui-là, cela? » (v. 2b-3). La parole citée de Jésus constitue un troisième niveau, où lui-même interprète ce qui se passe (v. 4).

La seconde partie sur les « actes de puissance » devenus impossibles pour Jésus, sauf quelques exceptions, pose un nouveau fait de base (premier niveau). Mais ce fait correspond à un élément du discours des gens (2e niveau) (v. 5). À quoi le narrateur superpose l'interprétation de Jésus qui « s'étonnait à cause de leur non-foi » et stigmatisait ainsi l'attitude générale de ses concitoyens (v. 6a, 3e niveau). Ces deux parties ne constituent pas deux itinéraires successifs. Elles sont elles-mêmes liées par une certaine logique interprétative. Du point de vue du narrateur, l'impuissance de Jésus dans la seconde partie apparaît comme la conséquence de la position prise par ses auditeurs. Elle en représente en quelque sorte la sanction. Si bien que la « non-foi » qui étonne Jésus n'est pas seulement l'explication de cette impuissance. Elle a valeur de jugement sur l'ensemble du comportement des gens. Ainsi composé, le récit ouvre au lecteur un chemin de réflexion.

2. Réflexions

Dans sa patrie, Jésus enseigne dans la synagogue un jour du sabbat: «beaucoup, en écoutant, étaient frappés». On s'interroge d'abord sur l'ORIGINE de «la sagesse» qui s'y manifeste. Le choc et l'embarras viennent du fait que cette sagesse a été donnée «à celui-là», comme si cela faisait problème qu'elle lui ait été accordée à "lui". À «cela» s'ajoutent «les actes de puissance pareils» qu'on raconte de lui et sur lesquels on ne s'interroge pas davantage. Ils surprennent parce qu'ils sont advenus par ses mains. Un étonnement ahuri bloque toute recherche véritable à partir de ce qui arrive par cet homme bien connu dans sa patrie. Ce savoir commun concerne le métier de Jésus et son enracinement familial. Le récit ne s'intéresse pas à la famille de Jésus comme telle mais au prétexte qu'elle peut fournir pour négliger de s'interroger sur et sa vocation à partir de ses œuvres. Un métier et une origine familiale sans lustre, rien, de ce côté, ne s'accorde avec «cela». Comme si l'identité et les capacités d'un être étaient circonscrites par le livret de famille et la carte professionnelle! Pour ses compatriotes, l'étonnement devant sa «sagesse» et ses «actes de puissance» devient piège qui se referme ou pierre qui fait trébucher, parce qu'ils croient le connaître sous prétexte qu'ils connaissent ses origines sociales et familiales. Ils ne cherchent pas plus loin. Ce que l'on tient pour assuré suffit à refouler l'appel à reconnaître en ce Jésus un autre que l'image commode à laquelle on le réduit.

«Jésus leur disait»: il énonce une sorte de vérité générale en leur laissant le soin de s'en éclairer. C'est une sorte de proverbe dont on peut trouver des variantes dans les cultures les plus diverses. Cet énoncé pourrait provoquer un débat, relancer la question, faire réfléchir sur ce qui se passe. Mais le récit ne prête aucune réaction aux concitoyens, comme si cette parole arrivait trop tard. Elle est citée pour le lecteur qu'elle invite à situer ce qui est raconté dans une histoire plus longue, celle des prophètes, résumée dans une sentence paradoxale. Et dans la situation donnée, la phrase peut ouvrir les yeux à ce que la plupart ne voient pas ou confirmer leur aveuglement, comme l'éclair empêche de voir ou illumine selon la position du voyant.

L'expérience de la méconnaissance se poursuit avec celle de l'impossibilité de faire «acte de puissance». Les actes efficaces sur les corps, les guérisons, qui accompagnent ordinairement son enseignement, ne se produisent plus, sauf quelques exceptions, au point qu'il "s'étonnait à cause de leur non-foi". Le récit maintient sa visée collective sur les compatriotes de Jésus, mais en généralisant, il se garde de totaliser. L'absence de foi, si commune soit-elle, n'est pas unanime. D'autre part, les quelques malades guéris par imposition des mains démentent que l'impuissance soit le fait de Jésus. Elle est à relier à «leur non-foi». Et cela l'étonne.

Un contraste s'établit entre l'absence de foi et la foi qui vient d'être reconnue en l'hémorroisse et demandée à Jaire. L'écho le plus immédiatement perceptible relie l'étonnement de Jésus devant l'apistia de ses auditeurs dans sa patrie avec, d'une part, les paroles sur la «foi» et le «croire» qu'il adresse à l'hémorroisse et à Jaire dans le récit précédent. Par ailleurs, l'impossibilité où il se trouve de faire aucun «acte de puissance» parmi les siens contraste avec la «puissance» dont il prend conscience au moment où elle sort de lui et guérit l'hémorroïsse. Par comparaison, la non-foi des Nazaréniens, qui fait barrage à la puissance, prend l'allure d'un raidissement contre l'éventualité d'une découverte ou d'une révélation. Jésus ne dispose pas de la puissance en maître. Elle sort de lui au profit de la femme sans qu'il ait à le vouloir,elle se refuse à ses compatriotes sans qu'il ait à la retenir.

Jean-Yves Thériault, 3 juillet 2012

13e dimanche du temps ordinaire, année B

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 5, 21-43

Jésus regagna en barque l'autre rive, et une grande foule s'assembla autour de lui. Il était au bord du lac. Arrive un chef de synagogue, nommé Jaïre. Voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie instamment : « Ma petite fille est à toute extrémité. Viens lui imposer les mains pour qu'elle soit sauvée et qu'elle vive. » Jésus partit avec lui, et la foule qui le suivait était si nombreuse qu'elle l'écrasait. [...] Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre pour annoncer à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. A quoi bon déranger encore le Maître ? » Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de la synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. » Il ne laissa personne l'accompagner, sinon Pierre, Jacques, et Jean son frère. Ils arrivent à la maison du chef de synagogue. Jésus voit l'agitation, et des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L'enfant n'est pas morte : elle dort. » Mais on se moquait de lui. Alors il met tout le monde dehors, prend avec lui le père et la mère de l'enfant, et ceux qui l'accompagnent. Puis il pénètre là où reposait la jeune fille. Il saisit la main de l'enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher elle avait douze ans. Ils en furent complètement bouleversés. Mais Jésus leur recommanda avec insistance que personne ne le sache ; puis il leur dit de la faire manger.

Après quelques jours d'absence, je reviens au forum sur le prochain évangile.

La version courte se trouve à tronquer le texte qui, lui, imbrique ensemble deux récits qui mettent au centre de l'attention la puissance qui émane de l'acte de "croire". Sur le chemin de Jaïre vers le croire se manifeste l'effet de la démarche croyante d'une femme.

Comme il est impossible de tout commenter, j'attire simplement l'attention sur quelques éléments.

D'abord, il est remarquable de voir que rien ne semble pouvoir arrêter l'élan qui se déploie sous la force de la foi: ni la pression de la foule, ni l'entourage de Jaïre, ni les pleurs et cris de deuil ne peuvent empêcher la rencontre de Jésus avec une femme et un homme animés d'un "croire".

Il faut ensuite remarquer que c'est APRÈS UN ÉCHANGE DE PAROLES entre la femme et Jésus que celui-ci peut dire "ta foi t'a sauvée". C'est après qu'elle lui ait "dit toute la vérité". Quelle est donc "toute cette vérité" que dit la femme???

Autre remarque: Jésus dit à Jaïre "crois seulement". Il ne dit pas "crois en moi" ni "crois que je vais la sauver". Qu'est que CROIRE SEULEMENT??? Serait-ce simplement faire confiance, tout simplement attendre de l'autre parce qu'on ne peut plus rien. Reconnaître qu'on ne peut rien faire d'autre que faire confiance sans savoir ce qui peut arriver, qui ne sera peut-être pas se qu'on croyait essentiel...

Enfin notons que Jésus invite à parler autrement de la petite fille que tous disent "morte". Cette "petite fille" du père ("MA petite fille")qui est en fait une fille de 12 ans qui commence sa vie de femme au moment ou la femme (que Jésus appelle "ma fille") retrouve sa vie normale de femme après justement 12 ans de perte de sa vie.

Jean-Yves Thériault, 26 juin 2012

Nativité de saint Jean Baptiste

Évangile selon saint Luc 1, 57-66.80

Quand arriva le moment où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait prodigué sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l'enfant. Ils voulaient le nommer Zacharie comme son père. Mais sa mère déclara : « Non, il s'appellera Jean. » On lui répondit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! » On demandait par signes au père comment il voulait l'appeler. Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Son nom est Jean. » Et tout le monde en fut étonné. A l'instant même, sa bouche s'ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu. La crainte saisit alors les gens du voisinage, et dans toute la montagne de Judée on racontait tous ces événements. Tous ceux qui les apprenaient en étaient frappés et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui. L'enfant grandit et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu'au jour où il devait être manifesté à Israël.

Le texte évangélique de la fête de Jean Baptiste présente trois moments dans l'existence de l'enfant : enfantement, circoncision, croissance.

Quand on nomme la fête « Nativité de Jean Baptiste » on la désigne seulement par le premier temps : celui de la naissance elle-même, c'est-à-dire le temps de l'accouchement d'Élisabeth (Quand arriva le moment où Élisabeth devait enfanter). C'est vu par les voisins et la famille comme un signe de miséricorde dont on se réjouit. Zacharie parait absent de cet événement. Cet événement est vu du point de vue de l'entourage.

Dans le texte, le second temps est plus important : le « huitième jour », celui de la circoncision. C'est la question du nom qui est centrale. Ou bien l'usage et les coutumes traditionnels (Ils voulaient le nommer Zacharie comme son père... Personne dans ta famille ne porte ce nom-là). Ou bien le nom « Jean » (sans Baptiste qui viendra plus tard) imposé par sa mère puis son père Zacharie. Celui-ci était déjà devenu muet. On apprend maintenant qu'il était aussi devenu sourd puisqu'on lui parle par signes. Ces handicaps disparaissent quand il réalise sa mission : il n'explique pas ce qui s'est passé mais il reconnaît le don du Seigneur. Il faut savoir que le nom « Jean » signifie « Dieu fait grâce ». Ce qui est « grâce » ne correspond justement pas aux usages traditionnels. C'est l'irruption du non mérité et du gratuit dont Jean sera le précurseur.

Le troisième moment est brièvement raconté, mais il dit la croissance de l'enfant jusqu'au moment de sa manifestation, alors comme Baptiste ou baptiseur : trente ans qui préparent sa mission sous la guidance du Seigneur : « la main du Seigneur était avec lui », dit le texte.

Voila quelques considérations sur le texte pour guider votre interprétation et méditation.

Jean-Yves Thériault, 20 juin 2012

11e dimanche du temps ordinaire, année B

Évangile selon saint Marc 4, 26-34

Jésus disait : « Il en est du règne de Dieu comme d'un homme qui jette le grain dans son champ : nuit et jour, qu'il dorme ou qu'il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment. D'elle-même, la terre produit d'abord l'herbe, puis l'épi, enfin du blé plein l'épi. Et dès que le grain le permet, on y met la faucille, car c'est le temps de la moisson. » Il disait encore : « A quoi pouvons-nous comparer le règne de Dieu ? Par quelle parabole allons-nous le représenter ? Il est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde. Mais quand on l'a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. » Par de nombreuses paraboles semblables, Jésus leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de la comprendre. Il ne leur disait rien sans employer de paraboles, mais en particulier, il expliquait tout à ses disciples.

L'évangile d'aujourd'hui présente deux courtes paraboles qui sont adressées à tous et toutes. L'une insiste sur l'énergie mystérieuse qui est à l'œuvre dans la semence, alors que le semeur ne fait qu'attendre et espérer. L'autre exagère la grande différence entre la petite graine et ce qu'elle produit. Les deux parlent du règne de Dieu. Elles s'ajoutent à celles qui précèdent pour donner encore à « entendre » et à « voir » du « règne de Dieu ». Car il faut plusieurs paraboles pour parler du royaume de Dieu : « Il en est du règne de Dieu comme… »

Elles parlent du « mystère du règne de Dieu ». Un « mystère » livré dans le langage qui lui convient : car il faut le « mettre » dans des paraboles pour essayer d'en dire quelque chose. Avec les paraboles, il ne s'agit pas tant d'une explication à comprendre mais d'une comparaison qui appelle écoute et recherche de la part de l'auditeur.

Je reprend encore quelques passages de L'heureuse annonce selon Marc :

« La semence jetée « sur la terre » par « un homme » se débrouille bien, et toute seule. Une fois qu'il a semé, le semeur peut « dormir », s'occuper à autre chose, la nuit et le jour, le grain semé agit de son propre dynamisme, il « pousse et grandit ». La semence qu'est le royaume possède en elle-même l'énergie de sa croissance et de sa fructification. Elle produit d'elle-même ses fruits. Cette parabole avertit l'auditeur de « la parole » que s'il doit se disposer à sa réception en profondeur, il n'est quand même pas responsable de sa croissance et de sa fructification. C'est une parabole libératrice qui situe bien la part qui revient à l'auditeur. Quand il a bien fait tout ce qu'il faut pour accueillir en son fond intérieur la parole-semence, il peut « dormir » et la laisser produire ses fruits. Il n'a qu'à travailler à accueillir le « règne de Dieu » (voir Mc 1, 15) et lui permettre d'exercer son dynamisme.

Et l'histoire du grain de moutarde, quelle histoire! Ce grain « monte et il devient la plus grande de toutes les plantes » et il fait de « grandes branches », comme un arbre dans lequel peuvent s'abriter des oiseaux. Ce n'est pas une description très rationnelle du point de vue botanique, mais c'est une parabole qui vise à frapper l'imagination : la plus petite des graines qui devient le plus grand des arbres! Dans un récit parabolique, le « grain de moutarde » peut surpasser toute plante ordinaire et devenir comme un arbre, ce qui est évidemment impossible dans la nature. Les traits excessifs de la parabole font justement saisir que ce « grain de moutarde » n'est pas une graine ordinaire, puisque « les oiseaux du ciel » trouvent un abri dans la plante qu'elle produit. L'histoire d'une parabole se déroule rarement comme on s'y attend. C'est à cela qu'on reconnaît une parabole! On ne s'attend pas à ce qu'une graine de plante potagère devienne un grand arbre. C'est que ce « grain de moutarde » n'est pas une graine ordinaire, c'est comme le « règne de Dieu ».

La « semence qui pousse et grandit » toute seule et la croissance extraordinaire du « grain de moutarde » parlent du « mystère du règne de Dieu ». Ces paraboles deviennent des pépinières à exploiter pour « entendre » ce qu'il en est de ce « règne » mystérieux. On ne peut en parler qu'avec ces images qui le révèlent sans le définir ni l'expliquer clairement. En Mc 4, 26-32, Jésus lance ainsi deux petites paraboles qui pourraient être soumises à des écoutes diversifiées selon les récepteurs éventuels : « par de nombreuses paraboles semblables il leur disait la parole comme ils pouvaient l'entendre (traduction plus exacte)».

Jean-Yves Thériault, 13 juin 2012

Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, année B

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 14, 12-16.22-26

Le premier jour de la fête des pains sans levain, où l'on immolait l'agneau pascal, les disciples de Jésus lui disent : « Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour ton repas pascal ? » Il envoie deux disciples : « Allez à la ville ; vous y rencontrerez un homme portant une cruche d'eau. Suivez-le. Et là où il entrera, dites au propriétaire : 'Le maître te fait dire : Où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ?' Il vous montrera, à l'étage, une grande pièce toute prête pour un repas. Faites-y pour nous les préparatifs. » Les disciples partirent, allèrent en ville ; tout se passa comme Jésus le leur avait dit ; et ils préparèrent la Pâque. Pendant le repas, Jésus prit du pain, prononça la bénédiction, le rompit, et le leur donna, en disant : « Prenez, ceci est mon corps. » Puis, prenant une coupe et rendant grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l'Alliance, répandu pour la multitude. Amen, je vous le dis : je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu'à ce jour où je boirai un vin nouveau dans le royaume de Dieu. » Après avoir chanté les psaumes, ils partirent pour le mont des Oliviers.

L'évangile de ce dimanche concerne le dernier repas de Jésus avec les Douze. Il en raconte la préparation et le déroulement. Les versets concernant la présence du traître sont omis.

Dans le récit de la préparation, on peut souligner deux choses :

1. L'insistance sur le « manger ensemble » et le « manger avec ». C'est un repas communautaire.
2. La manière de trouver le lieu et la salle. Tout se fait sur les indices donnés par Jésus de sorte que la salle est trouvée en « suivant la parole » de Jésus. Et pourtant Jésus ne semble pas connaître l'endroit précis. S'il le savait pourquoi ne leur donne-t-il pas l'adresse au lieu de leur apprendre à suivre les signes?

Dans le récit du repas lui-même, il n'y a pas d'agneau pascal. Et les convives ne mangent pas réellement le corps et ils ne boivent pas le sang, car celui qui parle est encore bien vivant devant eux. Les gestes posés sur le pain et la coupe sont à prendre AVEC les paroles dites. Ce sont ces paroles qu'il faut aussi prendre pour que l'action de manger ensemble le pain partagé et que l'acte de boire ensemble de la même coupe prennent le sens que Jésus leur donne. La parole de Jésus soustrait le pain et la coupe à leur usage ordinaire et les fait signifier autre chose : la communion dans son corps et la participation à une alliance nouvelle réalisé par sa mort. En prenant le pain fractionné avec la parole dite chacun prend « mon corps » : et pourtant ce corps pris par douze reste unique et tous le forme ensemble : quel mystère à accueillir dans la foi!!!

Une dernière remarque : quand Jésus : « ceci est mon corps » et « ceci est mon sang » les disciples mangent et boivent : ils n'adorent pas! Alors pourquoi nous précipiter à genoux au moment de ces paroles à la messe?

Jean-Yves Thériault, 4 juin 2012

Dimanche de la Sainte Trinité, année B

Évangile selon saint Matthieu 28, 16-20

Les onze disciples s'en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s'approcha d'eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde. »

Observons d'abord temps et lieu : "Les onze disciples s'en allèrent en Galilée."

Si les disciples sont « onze » c'est qu'il s'agit du groupe de Douze moins Judas. On est donc après la mort et la résurrection de Jésus, et il s'agit du groupe de responsables choisis par Jésus pour prolonger sa mission et son oeuvre.

En « Galilée », ce territoire à la frontière entre la terre proprement juive et le monde des nations. "À la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre." Sur une montagne, donc au dessus de la vie ordinaire et de ses accaparements, à distance des bruits du monde. Et cette montagne n'est pas nommée. Inutile de chercher à la retrouver : il suffit de savoir que c'est la montagne du « rendez vous » fixé par Jésus. On est hors du monde ordinaire, et le onze « se prosternent » en voyant Jésus. Ce qu'ils ne faisaient pas avant sa mort. Il est donc différent, et même certains ont encore des doutes, ce qui convient à tout disciple du ressuscité. Un renoncement ou un déplacement est nécessaire pour une rencontre nouvelle. Une hésitation normale avant d'entrer dans ce mode de présence qui n'est pas évident.

Jésus « commande » une mission qui s'adresse à « toutes le nations », donc à tout le monde. Comme Jésus, les apôtres doivent à leur tour faire des disciples en invitant les hommes et les femmes à se mettre à la suite et à l'écoute de ce qui est bien distinct de leur monde habituel. En effet, deux choses caractérisent ces futurs disciples :

1. Ils sont « plongés » (baptisés) "dans le nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit". C'est un bain qui doit les imprégner de quelque de bien différent du monde dans lequel ils vivaient auparavant.
2. "Apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés." Pour savoir de quel enseignement il s'agit, on doit retourner à tout ce que Jésus à enseigné aux Douze quand ils le suivaient, et que l'Esprit va maintenant leur faire découvrir dans « toute sa vérité » (évangile de la Pentecôte). Nous pouvons être surs qu'il s'agit de se mettre à uns école qui apprendra à devenir « fils » et « filles » conformément au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et non selon les vues et idéologies du monde.

Sommes-nous de ce genre de disciples dans notre vie quotidienne?

Jean-Yves Thériault, 30 mai 2012

Dimanche de la Pentecôte, année B

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 15, 26-27; 16, 12-15.

À l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d'auprès du Père, lui, l'Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous rendrez témoignage, vous qui êtes avec moi depuis le commencement. J'aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l'instant vous n'avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu'il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu'il aura entendu ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce qui appartient au Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : Il reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »

L'évangile de ce dimanche fait encore partie du discours après la cène. Encore une fois, ce n'est pas un texte facile à lire car il parle de réalités spirituelles. Notre texte se compose de deux extraits qui ne se suivent pas immédiatement en Jn 15 et 16. Ces segments de texte parlent cependant tous deux de l'Esprit Saint. Voyons comment ils en parlent.

Dans le premier volet, ce personnage est présenté comme le « Défenseur ». Cela suppose, pour les disciples, une situation de défense (épreuve ou procès ou autre). Il est appelé « Esprit de vérité » et son action consiste à témoigner en faveur de Jésus. Je comprends que cet Esprit assiste les disciples qui ont à témoigner de Jésus dans les situations difficiles. C'est donc en fonction de moments d'épreuve que ce segment peut mieux nous parler.

Dans le second volet, j'aimerais distinguer : « beaucoup de choses à dire », au pluriel et « toute la vérité », au singulier

Dans « beaucoup de choses à dire », j'entends de nombreuses « paroles » ou vérités ». Alors que « toute la vérité » évoque une plénitude qui ne vient pas d'une multiplication de dires, de paroles. Comme on peut distinguer « de nombreux poèmes » et la « poésie » qui en ressort.

Si on tient compte de cette distinction, il me semble que l'oeuvre de l'Esprit de vérité peut se comprendre ainsi :

1. Il poursuivra l'œuvre de Jésus dans l'ordre du dire et non du voir. Il ne viendra cependant pas dire ce que Jésus n'a pas dit, il n'ajoutera pas des paroles aux siennes. Mais se tenant du côté des disciples, il les conduira dans « toute la vérité » (voir 14, 26). Il s'agit non de quantité mais de qualité. La mort de Jésus fera cesser ses paroles, même incomplètes. Mais l'Esprit leur en fera saisir une signification nouvelle. Il leur fera comprendre comment elles sont vraies pour eux maintenant. Il les fera entrer dans la pleine signification qui s'en dégage, dans « la parole » vraie qui habite ses dires. L'Esprit « ne parlera pas de lui-même » mais il empêchera que les paroles de Jésus restent « des choses dites autrefois ». Il assurera la présence du dire-vrai au cœur des disciples. Il le maintiendra « parlant » pour eux dans leur vécu, pour qu'il donne sens à ce qui arrivera d'imprévu.
2. Et l'Esprit peut conduire vers «toute la vérité" parce qu'il ne parlera pas de lui-même. En effet, cette parole vraie dont l'Esprit témoignera, il la puisera dans la source vive qu'est la communion de Père et du Fils. On peut dire qu'il communiquera ce qu'il entend de l'échange et de la communion du Père et du Fils. En d'autres mots encore, il puisera dans ce qui est commun au Père et au Fils et il le communiquera. Ce n'est plus seulement du discours. Ce n'est même plus de l'ordre du langage articulé (comme un discours), mais de l'ordre de la « communion » dans « l'être » : être en communion avec le Père et le Fils par l'Esprit.

Jean-Yves Thériault, 22 mai 2012

6e dimanche de Pâques, année B.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 15, 9-17

À l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour. Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j'ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que vous soyez comblés de joie. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant, je vous appelle mes amis, car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître. Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l'accordera. Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres.

Je place mon introduction en avance, car je serai absent de ce forum, à partir de demain et pour au moins deux semaines. Ce qui n'empêche personne d'intervenir! Peut-être, d'ailleurs, vous sentirez-vous plus libres, sans le « carcan » que je propose!!!

L'évangile de ce dimanche est la suite immédiate du discours d'adieu de Jésus aux siens. Mais cette fois c'est le verbe « aimer » qui est décliné de diverses manières. « Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés : demeurez dans l'amour, le mien. » Donc, trois façons de décliner le mot amour, que le texte reprend ensuite dans l'ordre inverse.

D'abord : « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans l'amour de moi. » Cela veut dire que demeurer dans l'amour de Jésus, c'est garder ses commandements. Et cela peut s'entendre, rester dans l'amour que Jésus a pour nous, mais aussi rester fidèle à son désir en acomplissant son "commandement".

Et si l'on veut savoir de quels « commandements » il s'agit, le texte enchaîne : « Comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père ». Dites-moi où on pourrait trouver les « commandements » que le Père fait à Jésus ? C'est le sens du mot « commandement » qui est en cause. Je comprends que cela veut dire : entrer dans ce que le Père désire, comme lorsque Jésus dit : non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. Faire ce que Jésus commande, cela doit consister à établir sa conduite selon son désir qui, lui correspond au « bon plaisir de Dieu ».

Ce texte évangélique peut nous amener à réfléchir sur le sens que nous donnons à aimer/amour. Quand je dis, j'aime la soupe, j'aime ce que me procure la soupe. Est-ce ainsi quand je dis que j'aime quelqu'un. Et l'amour dont il est question dans notre texte s'inspire de l'amour de Jésus (qui donne sa vie pour…), amour qui s'enracine dans la relation entre lui et son Père. Voilà de quoi enrichir notre conception de l'amour, pas seulement en théorie, mais dans le concret de nos rapports humains.

Jean-Yves Thériault, 5 mai 2012

5e dimanche de Pâques, année B.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 15, 1-8

À l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l'enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu'il en donne davantage. Mais vous, déjà vous voici nets et purifiés grâce à la parole que je vous ai dite : Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s'il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est comme un sarment qu'on a jeté dehors, et qui se dessèche. Les sarments secs, on les ramasse, on les jette au feu, et ils brûlent. Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez, et vous l'obtiendrez. Ce qui fait la gloire de mon Père, c'est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi, vous serez pour moi des disciples.

Cet évangile fait partie du grand discours après la cène, aussi appelé discours d'adieu de Jésus. En Jn, c'est l'heure du passage de Jésus de ce monde vers son Père (13,1).

Nous lecteurs et lectrices, nous passons de l'image du vrai berger à celle de la vraie vigne, mais c'est toujours Jésus qui parle en « je ». Comme disciples à l'écoute de Jésus qui parle, nous étions des « brebis » protégées et rassemblées par la voix du pasteur, nous sommes cette fois des « sarments » cultivés par les soins du Père de Jésus (mon Père est le vigneron).

De la part du vigneron, les sarments subissent deux tailles : l'une pour émonder, l'autre pour favoriser la fructification. Et Jésus dit aux disciples : « vous », vous êtes déjà nettoyés par la parole que je vous ai dite. Donc la parole de Jésus a émondé les disciples, leur enlevant ce qui peut empêcher la fructification.

Entre la vigne Jésus et les sarments le verbe essentiel est « demeurer ». La parole de Jésus est difficile à comprendre : « Demeurez en moi comme moi en vous. » Comment un sarment peut-il décider de « demeurer » dans la vigne, et comment la vigne demeure-t-elle dans le sarment? On voit bien que le langage imagé essaie de faire saisir quelque chose qui n'est pas de l'ordre du visible. Il s'agit des relations de Jésus avec ses disciples. De plus, il leur demande cette « demeure » réciproque au moment où il s'en va. Il doit s'agir d'un mode particulier de résidence. Le lien-sarment-vigne concerne le temps où ils seront séparés de lui physiquement. C'est sans doute, en se mettant à l'écoute de la parole de Jésus qu'est maintenue cette résidence réciproque. Elle permet de porter des fruits et d'éviter l'émondage qui conduit à la sécheresse et au feu.

« Demandez tout ce que vous voudrez et vous l'obtiendrez. » Cette phrase n'est pas une prière magique car il y a deux conditions : « si vous demeurez en moi », « que mes paroles demeurent en vous ». Si ces conditions sont remplies, on peut penser que la prière ira dans le sens de ce qui fait porter de fruits digne de la vraie vigne (Jésus).

En finale : être disciple de Jésus est décrit : porter beaucoup de fruits qui font la gloire du Père de Jésus.

Jean-Yves Thériault, 30 avril 2012

4e dimanche de Pâques, année B.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 10, 11-18

Jésus disait aux Juifs : « Je suis le bon pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n'est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s'il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s'enfuit ; le loup s'en empare et les disperse. Ce berger n'est qu'un mercenaire, et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J'ai encore d'autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ensuite. Personne n'a pu me l'enlever : je la donne de moi-même. J'ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j'ai reçu de mon Père. »

L'évangile de ce dimanche est bien connu. Parce que nous le connaissons bien, nous sommes portés à vite partir dans l'interprétation plutôt que de faire une activité de lecture. Prenons donc le temps de lire.

Remarquons d'abord que la version liturgique ajoute une petite introduction : « Jésus disait aux Juifs ». C'est une invitation à situer cet extrait dans son contexte : un discours adressé aux pharisiens suite à la guérison d'un aveugle de naissance. Et juste avant Jésus emploie, pour se désigner, l'image de la « porte des brebis », et il s'oppose cette fois aux « voleurs ». Peut-être les pharisiens seront-ils interpellés par la description des "voleurs" ou du "mercenaire" ?

Dans l'extrait de ce dimanche, il utilise une autre « parabole » dans laquelle, cette fois, il s'identifie au bon berger ou pasteur opposé au « mercenaire ». Nous sommes encore dans du langage métaphorique pour parler de choses « réelles » mais invisibles. On essaie de les faire « voir » et « entendre » par du langage imagé.

Prenons le temps de bien observer l'opposition entre le bon berger et le mercenaire. Ils font sans doute les mêmes activités pastorales, mais l'un s'investit lui-même pour ses brebis (il « dépose » ou « offre » sa vie pour…), l'autre, non. L'investissement de la vie du bon berger est ici décrit face au danger représenté par le loup. Et l'œuvre du loup n'est pas la dévoration mais la dispersion. On voit d'ailleurs plus loin que l'essentiel de l'œuvre du berger s'accomplit par la « voix » et qu'elle consiste à « rassembler ». L'enjeu ne semble pas la nourriture des brebis mais leur rassemblement par la parole.

Et tout à coup, les liens qui unissent berger et brebis s'entrecroisent avec les relations Père-Jésus comme « fils ». Ces relations sont sous le signe de la connaissance réciproque (comme le Père me connaît, et que je connais le Père), puis sous celui de l'amour (Le Père m'aime parce que je donne ma vie pour la reprendre ). Comment comprendre, c'est-à-dire prendre tout cela ensemble? Et qu'est-ce que ce « pouvoir » de donner sa vie et de la reprendre (voir déposer son vêtement et le reprendre en Jn 13, 4 et 13) lié au « commandement » reçu du Père? Cela semble être « la source » de ce qui anime le bon berger.

Mes questions ne sont pas seulement pédagogiques… Je cherche aussi à comprendre… Le lien entre Jésus et les siens est de l'ordre de la « voix » et de la « connaissance réciproque » comme ce qui unit Jésus à son Père. Et c'est pour être fidèle à « l'amour du Père » que Jésus investit sa vie dans le rassemblement d'un seul troupeau, sans doute pour que les brebis « aient la vie et qu'ils l'aient en abondance » comme le dit le verset 10 qui précède immédiatement le texte lu ce dimanche.

Jean-Yves Thériault, 23 avril 2012

3e dimanche de Pâques, année B.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 24, 35-48

Les disciples qui rentraient d'Emmaüs racontaient aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s'était passé sur la route, et comment ils avaient reconnu le Seigneur quand il avait rompu le pain. Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d'eux, et il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Frappés de stupeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit. Jésus leur dit : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui surgissent en vous ? Voyez mes mains et mes pieds : c'est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n'a pas de chair ni d'os, et vous constatez que j'en ai. » Après cette parole, il leur montra ses mains et ses pieds. Dans leur joie, ils n'osaient pas encore y croire, et restaient saisis d'étonnement. Jésus leur dit : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé. Il le prit et le mangea devant eux. Puis il déclara : « Rappelez-vous les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous : Il fallait que s'accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » Alors il leur ouvrit l'esprit à l'intelligence des Écritures. Il conclut : « C'est bien : les souffrances du Messie, sa résurrection d'entre les morts le troisième jour, et la conversion proclamée en son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. C'est vous qui en êtes les témoins

Cette semaine nous changeons d'évangile, mais nous sommes toujours dans les récits qu'on appelle habituellement récits « d'apparition de Jésus ressuscité ».

En Lc 24, le texte de ce dimanche vient immédiatement après celui « des disciples d'Emmaüs ». Et le lien est souligné par le texte lui-même. Retournés à Jérusalem, les deux disciples racontent aux Onze leur aventure qui comporte deux éléments : l'échange sur la route et la reconnaissance à la fraction du pain. Assez curieux qu'à la « reconnaissance » de Jésus au moment de la fraction du pain celui-ci « A DISPARU À LEURS YEUX »… Comme à l'eucharistie, Jésus est à la fois présent et absent. Comme on rompt le pain, il faut ROMPRE avec un mode de présence pour « consentir » à cette présence nouvelle difficile à comprendre.

Au moment même où ils racontent cette expérience de séparation et de communion avec Jésus, celui-ci devient présent « au milieu d'eux », encore une fois sans qu'on l'ait vu entrer. Il dit littéralement : « paix à vous », il leur communique (pas seulement souhaite) de la « paix ».

Il leur « apparaît » mais il va disparaître encore. Plus loin, il dira : « quand j'étais encore avec vous », c'est donc qu'il n'y est plus, ou qu'il y est autrement… Mais ce temps d'apparition est nécessaire pour en faire des « témoins » (voir v. 48). Ils ont à annoncer cette suite à la mort, à devenir témoins de cette expérience nouvelle du corps ressuscité. Comment en parler sinon en racontant ce qu'ils ont éprouvé sans pouvoir l'expliquer? Pour moi, leur récit met en "parabole" l'évènement de la surrection.

Ils étaient stupéfiés car « ils croyaient voir un « esprit », quelque chose qui n'appartient pas à notre monde d'être vivants faits de corps de chair. L'irruption de l'inconnu trouble nos cœurs, affole notre intelligence qui cherche une « explication » et se réfugie souvent dans l'imaginaire. Pour les sortir de leur trouble, Jésus leur parle et cherche à se faire voir (éprouver par eux) comme quelqu'un qui a une réelle consistance humaine et qu'il est bien le crucifié qu'ils ont vu mourir. Il insiste pour qu'ils reconnaissent que c'est bien un corps d'homme qui est avec eux, et non pas une hallucination. Il faut dire que, dans l'histoire racontée, les frontières connues de la vie et de la mort sont drôlement bouleversées… Ils voient un corps qui a subi la mort et qui en porte les marques, et qui pourtant se fait éprouver comme vivant et parle, et va jusqu'à partager leur pain… Celui qui est mort, mange avec eux et il est réellement vivant : cela change radicalement nos « images » de la vie et de la mort. Mais comment dire autrement que le corps (le corps ce n'est pas seulement la chair) de Jésus crucifié est toujours bien vivant et qu'il partage leur vie actuelle, bien que ce ne soit pas comme « quand j'étais encore avec vous », puisque « l'apparition » comme telle ne se maintient pas.

Puis Jésus les renvoie à sa parole et à l'Écriture. Il ne s'agit pas tant de comprendre un message mais d'accueillir la réalité de la vie renouvelée dans ce corps crucifié et surgi d'entre les morts. Non pas comprendre, car ce n'est pas logique, mais accueillir en croyant la vie de ce corps vivant et en devenir les témoins.

Jean-Yves Thériault, 16 avril 2012

2e dimanche de Pâques ou Dimanche de la Miséricorde divine, année B.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 20, 19-31

C'était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d'eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l'Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. » Or, l'un des Douze, Thomas (dont le nom signifie : Jumeau) n'était pas avec eux quand Jésus était venu. Les autres disciples lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur déclara : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt à l'endroit des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Huit jours plus tard, les disciples se trouvaient de nouveau dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient verrouillées, et il était là au milieu d'eux. Il dit : « La paix soit avec vous ! » Puis il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d'être incrédule, sois croyant. » Thomas lui dit alors : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Il y a encore beaucoup d'autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom.

Chaque année, au 2e dimanche de Pâques, la liturgie dominicale nous fait lire cet extrait de la fin de l'évangile de Jean.

Le texte raconte une double apparition de Jésus à exactement une semaine d'intervalle, dans le même lieu et dans des circonstances semblables. Nous sommes donc invités à les lire en les comparant.

Entre les deux, il semble que la seule chose qui se passe c'est ce que les dix disciples disent à répétition à Thomas. La différence principale entre les apparitions : le présence ou non de Thomas. Cela semble viser autre chose que la narration du déroulement précis d'une première semaine après la mort de Jésus.

Thomas, appelé Didyme (Jumeau), est connu en Jn qui le met quelquefois en vedette (voir 11,16 et 14,5). Il a quelque chose à nous faire saisir de la suite de Jésus et du « chemin » à prendre.

Les deux fois, Jésus appelle la « paix » sur les Douze (qui sont en fait dix et onze). Pourquoi cette insistance à appeler la paix sur les disciples réunis? De quoi veut-il les délivrer? Peut-être de certains effets de sa mort…

Le texte ne dit pas pourquoi Thomas n'est pas là la première fois. En lisant la deuxième apparition on comprend pourquoi. Les dix disciples témoignent d'une rencontre avec Jésus qui, la première fois, reste de l'ordre de la « vision » : « Nous avons VU le Seigneur ». Leur expérience de Jésus n'arrive pas au terme attendu…

Que demande Thomas quand il insiste pour voir et toucher? Peut-être est-il notre jumeau! En tous cas, la deuxième rencontre va beaucoup plus loin que la première. Jésus invite Thomas à toucher et à voir, mais surtout à croire. Tous les disciples apprennent alors qu.il y a une expérience de Jésus qui dépasse le voir et le toucher. Entre le corps observable et la vérité de l'identité de Jésus il y a l'espace de la foi qui permet de dire : « mon Seigneur et mon Dieu ».

Nous, c'est dans l'évangile écrit que nous touchons et voyons les « signes » du mystère de Jésus qui peuvent nous conduire à l'expérience de la foi

Jean-Yves Thériault, 9 avril 2012

Veillée pascale, année B

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 16, 1-8

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus. De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au sépulcre au lever du soleil. Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l'entrée du tombeau ? » Au premier regard, elles s'aperçoivent qu'on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande. En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de peur. Mais il leur dit : « N'ayez pas peur ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n'est pas ici. Voici l'endroit où on l'avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : 'Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l'a dit.' » Elles sortirent et s'enfuirent du tombeau, parce qu'elles étaient toutes tremblantes et hors d'elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

Pour cette fin de semaine, nous avons le choix de plusieurs textes évangéliques. J'ai retenu celui de la Veillée pascale puisqu'en cette année B nous lisons surtout Mc.

Remarquez d'abord l'insistance sur le temps : au moins trois figures pour dire un commencement nouveau...

Que vont faire les femmes au tombeau? Elles ne savent pas, comme le sait le lecteur de Mc, que le corps de Jésus est embaumé à l'avance par la femme de Béthanie (Mc 14, 8). Les aromates de femmes ne serviront pas...

Trouvent-elles ce qu'elles cherchent?

Le tombeau est-il « vide » comme on le dit souvent? Qu'y trouvent-t-elles qui les étonne?

Le jeune homme suggère plutôt un commencement que la fin d'une vie? Et il dit que le crucifié s'est levé et qu'il est à trouver ailleurs que dans ce tombeau. Il y a de quoi rester stupéfait...

Elles cherchaient un corps et elle parte avec une parole à communiquer!

Les femmes repartent profondément troublées. Qui ne le serait pas à l'annonce que le crucifié s'est levé d'entre les morts pour conduire à la vie ceux qui écoutent sa parole?

En espérant que ces observations et réflexions vous aideront à mieux lire le texte évangélique et à l'accueillir comme une parole de vie.

Jean-Yves Thériault, 3 avril 2012

Dimanche des Rameaux et de la Passion, année B

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 10, 1-10

Jésus et ses disciples approchent de Jérusalem, de Bethphagé et de Béthanie, près du mont des Oliviers. Jésus envoie deux de ses disciples : « Allez au village qui est en face de vous. Dès l'entrée, vous y trouverez un petit âne attaché, que personne n'a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Si l'on vous demande : "Que faites-vous là ?" répondez : "Le Seigneur en a besoin : il vous le renverra aussitôt." » Ils partent, trouvent un petit âne attaché près d'une porte, dehors, dans la rue, et ils le détachent. Des gens qui se trouvaient là leur demandaient : « Qu'avez-vous à détacher cet ânon ? » Ils répondirent ce que Jésus leur avait dit, et on les laissa faire. Ils amènent le petit âne à Jésus, le couvrent de leurs manteaux, et Jésus s'assoit dessus. Alors, beaucoup de gens étendirent sur le chemin leurs manteaux, d'autres, des feuillages coupés dans la campagne. Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni le Règne qui vient, celui de notre père David. Hosanna au plus haut des cieux ! »

Pour ce forum nous retenons l'extrait de Mc (10,1-10) qui accompagne l'entrée avec le rameaux. Ce serait en effet difficile de prendre en considération tout le récit de la passion comme exercice d'apprentissage de la lecture biblique.

Voici quelques réflexions ou questions pour mieux lire Mc 10,1-10.

D'abord, il faut remarquer que le titre « entrée » à Jérusalem ne correspond à ce qui est raconté aux v.1-10 : le texte dit qu'on « approche » de Jérusalem. Il nous situe en effet dans le voisinage de la ville. Et le récit s'en tient à ce qui se passe pour cette « approche » (entre le mont des Oliviers et la ville). Et même si on ajoute le v. 11, on note que le texte parle de Jésus seul quand il s'agit de l'entrée elle-même à Jérusalem et dans le temple. Le cortège accompagne donc une « approche » assez étonnante de Jérusalem.

La plus grande partie du récit porte sur la quête de la monture. Pour cela, c'est Jésus qui prend l'initiative et c'est selon sa parole que tout se déroule. La manière de sélectionner cette monture est donc significative. On peut dire qu'il s'agit d'un « enseignement ». Lecteurs et lectrices doivent y porter attention. Pourquoi cet arrêt dans la marche pour la sélection surprenante d'un ânon tout « neuf », tiré de son milieu naturel pour un usage bien particulier.

On peut alors se demander : qui est « le Seigneur » qui a besoin de cet ânon? Et pourquoi? Comment se fait-il qu'un ânon soit nécessaire alors que jusque là Jésus marchait à pied avec ses disciples? L'ânon et sa manière de le choisir sont donc significatifs. En quel sens? « Le Seigneur » en aurait-il besoin pour « le sens » à donner à l'événement?

Ce n'est pas Jésus qui a l'initiative du cortège, mais il ne l'empêche pas. Le texte ne dit pas non plus ce que Jésus pense de l'acclamation. Nous devons nous-mêmes tenir compte de sa portée dans le cadre de ce récit : elle est adressée à quelqu'un qui a choisi de se déplacer sur un ânon bizarrement « emprunté » pour cette circonstance précise et habillé des vêtements de ceux de l'entourage.

On acclame le « Règne » qui vient et on dit qu'il est « celui de notre Père David », mais David n'a jamais fait de cortège sur un ânon. Ce roi sera donc différent?

Quelle valeur prennent les acclamations quand elles sont dites à l'adresse de quelqu'un qui se déplace vers Jérusalem assis sur cette monture étonnante? La foule reconnaît pourtant dans cette figure singulière le roi selon le désir de Dieu.

Assez surprenant! D'autant plus qu'en ce même dimanche nous lisons le récit de la passion.

En espérant que ces observations et réflexions vous aideront à mieux lire le texte évangélique et à l'accueillir comme une parole de vie.

Jean-Yves Thériault, 26 mars 2012

5e dimanche du Carême, année B

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 12, 20-33

Parmi les Grecs qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu durant la Pâque, quelques-uns abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée. Ils lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. » Philippe va le dire à André; et tous deux vont le dire à Jésus. Alors Jésus leur déclare : « L'heure est venue pour le Fils de l'homme d'être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd; celui qui s'en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle. Si quelqu'un veut me servir, qu'il me suive; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera. Maintenant je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? - Mais non ! C'est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l'ai glorifié et je le glorifierai encore. » En l'entendant, la foule qui se tenait là disait que c'était un coup de tonnerre; d'autres disaient : « C'est un ange qui lui a parlé. » Mais Jésus leur répondit : « Ce n'est pas pour moi que cette voix s'est fait entendre, c'est pour vous. Voici maintenant que ce monde est jugé; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors; et moi, quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes.» Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.

Même si nous avons changé de serveur, je rappelle que l'objectif de ce forum est de chercher à mieux LIRE les textes bibliques. Bien sûr, afin d'y entendre une parole pour aujourd'hui.

Nous avons encore cette semaine un texte de l'évangile de Jean qui plane dans les « hauteurs spirituelles » et qui n'est pas facile à lire et à comprendre. Je donne quelques pistes d'interprétation, et j'attends questions et commentaires pour aller plus loin...

1. Notons d'abord qu'est requis la médiation de 2 disciples déjà connus en Jn (1,43-51) pour que des « Grecs » soient amenés à Jésus. Deux disciples en relais conduisent à Jésus ces étrangers venus de loin à Jérusalem pour la Pâque.

2. Le texte introduit alors une déclaration inattendue de Jésus, qui ne semble pas reliée au désir de « voir » des Grecs. L'heure de la glorification du Fils de l'homme est venue (c'est au présent). Qu'est-ce que la glorification? Et cela maintenant? La démarche des disciples et des Grecs en est peut-être un signe. Certes, ce n'est ni de la gloriole ni un triomphe du Fils, mais c'est le moment de la « manifestation » de ce qui fait sa VALEUR. Or dans notre texte c'est donné à voir dans la parabole du grain de blé tombé en terre. Cette parabole donne à entendre ce qui fait la vraie valeur du Fils de l'homme. Dans le contexte on voit le rapport avec la Pâque qui vient.

3. De ce qui vaut pour le « Fils », une application est faite pour tous et toutes : « Celui (et celle) qui aime sa vie... ». La comparaison d'un corps humain avec un grain de blé évoque l'idée d'ensemencement. Une disparition dans la terre pour donner naissance à une autre plante. Le succès dépend de la qualité de la semence. Une vie trop aimée, c'est une vie dans un corps gardé pour soi, comme un grain qui se conserverait pour sa propre bonté ou beauté, et qui déciderait de se maintenir pour être regardé et convoité. C'est oublier ou ignorer la puissance de vie déposée en soi et qui demande un don de soi pour fructifier. C'est vouloir réussir sa vie à la manière du monde sans accepter le don qui fait entrer dans une vie de relations vivifiantes.

4. « Si quelqu'un me sert » : dans l'original grec, c'est au présent et sans le verbe « vouloir ». Autrement dit, « servir » ce n'est pas seulement un « projet » mais un acte concret, et c'est « suivre » maintenant. Comme Jésus, porter du fruit en mourant à soi et aux images de soi qu'on voudrait sauver. La disparition du « soi » qui occupe trop de place pour s'ouvrir aux autres. Ainsi la disparition du corps de Jésus pour la naissance d'une multitude de fils et de filles.

5. Puis la mention du trouble de Jésus, le trouble de la chair face à la souffrance, face au dernier pas à faire, mais qui n'empêchera pas le désir de Jésus d'aller jusqu'au terme.

6. Enfin, une voix du ciel qui, selon Jésus, est adressée à la foule et qui la divise en des interprétations divergentes. Elle nous est adressée. Comment entendons-nous cette voix : serons-nous sensibles à l'attirance du Fils « élevé de terre »?

En espérant que ces observations et réflexions vous aideront à mieux lire le texte évangélique et à l'accueillir comme une parole de vie.

Jean-Yves Thériault, 22 mars 2012

4e dimanche de Carême, année B.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 3, 14-21

De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit obtienne par lui la vie éternelle. Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. Celui qui croit en lui échappe au Jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et le Jugement, le voici : quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises. En effet, tout homme qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses oeuvres ne lui soient reprochées; mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses oeuvres soient reconnues comme des oeuvres de Dieu. »

Pour mieux lire le texte :

1. Notez que ce texte se présente comme un discours. Il est alors utile de savoir qui parle, à qui et dans quelle circonstance? Pour cela, voir le contexte en Jn 3.

2. Dans la partie de l'entretien qui est retenue pour la lecture liturgique, on peut reconnaître deux sections reliées ensemble : l'une concerne un « Fils » l'autre parle d'un jugement.

3. Concernant le Fils : remarquons qu'il a une double filiation : « de l'homme » et « de Dieu ».

- En tant que « fils de l'homme » on parle de son « élévation » comparée à celle du serpent dans le désert (voir Nombres 21). Quelle est la visée de cette élévation? Et pour qui? Ne s'agit-il pas d'un nouveau mode de naissance différent de la génération normale de l'espèce humaine (voir auparavant en Jn 3).
- En tant que « Fils unique » il est « envoyé » par Dieu pour « le monde ». Son envoi dans le monde permet que « tout homme » puisse échapper aux conditions de ce monde et « naître » à une autre forme de vie qui pourra durer... Dans le genre humain, doit être reconnu et cru ce qu'il y a d'unique dans ce Fils, ce qui libère de l'emprise du monde et donne de vivre en vérité comme « fils » né de l'Esprit.

4. Quant au « jugement », remarquons :

- que ce n'est pas la tâche du Fils;
- qu'il est au passé : « est déjà jugé »
- que ce jugement ne concerne pas les actions particulières, mais dépend de la manière d'accueillir l'envoyé, « croire » étant ici l'équivalent de reconnaître ce « Fils » comme « lumière » qui détermine ce qui dans l'homme est œuvre de Dieu.

5. On voit qu'il ne s'agit pas simplement d'un jugement « moral ». Il s'agit d'un jugement qui discerne la vérité : le vrai d'une vie qui refuse l'éclairage du monde et naît d'une ouverture à la parole du Fils qui est lumière véritable.

En espérant que ces observations et réflexions vous aideront à mieux lire le texte évangélique et à l'accueillir comme une lumière pour votre vie.

Jean-Yves Thériault, 15 mars 2012

3e dimanche de Carême, année B

Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 2, 13-25

Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem. Il trouva installés dans le Temple les marchands de boeufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs boeufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d'ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic.» Ses disciples se rappelèrent cette parole de l'Écriture : L'amour de ta maison fera mon tourment. Les Juifs l'interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce Temple, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais le Temple dont il parlait, c'était son corps. Aussi, quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela ; ils crurent aux prophéties de l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite. Pendant qu'il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque, beaucoup crurent en lui, à la vue des signes qu'il accomplissait. Mais Jésus n'avait pas confiance en eux, parce qu'il les connaissait tous et n'avait besoin d'aucun témoignage sur l'homme : il connaissait par lui-même ce qu'il y a dans l'homme.

Pour mieux OBSERVER Jn 2,13-25 :

1. Notez que ce récit est placé assez au début de l'évangile de Jean (Jn). Observez aussi les circonstances de temps (Pâque de « Juifs ») et de lieu (à Jérusalem Jésus est placé d'emblée dans le Temple). Cela peut contribuer à la signification.
2. Quels sont les acteurs que Jésus voit « installés » dans le lieu saint comme si c'était leur domaine?
3. Quels sont les choses que Jésus chasse du Temple et que dit-il?
4. De quel temple à quel temple fait passer le dialogue passé qui suit le récit?
5. Notez qu'après le récit au passé, le texte ramène le lecteur à une autre époque : à cette autre époque « les disciples » saisissent autrement ce qui a été dit dans le passé.
6. Enfin, un dernier segment du texte à lire oppose ceux et celles qui croient « à la vue des signes » et « ce qu'il y a dans l'homme » (sans doute aussi dans la femme!).

En espérant que ces observations et commentaires vous aideront à mieux lire le texte évangélique et à y entendre une parole qui enrichira votre vie actuelle.

Jean-Yves Thériault, 7 mars 2012

2e dimanche de Carême, année B.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 9, 2-10.

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l'écart sur une haute montagne. Et il fut transfiguré devant eux. Ses vêtements devinrent resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. Élie leur apparut avec Moïse, et ils s'entretenaient avec Jésus. Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. » De fait, il ne savait que dire, tant était grande leur frayeur. Survint une nuée qui les couvrit de son ombre, et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. » Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. En descendant de la montagne, Jésus leur défendit de raconter à personne ce qu'ils avaient vu, avant que le Fils de l'homme soit ressuscité d'entre les morts. Et ils restèrent fermement attachés à cette consigne, tout en se demandant entre eux ce que voulait dire : « ressusciter d'entre les morts ».

Pour mieux OBSERVER le texte :

1. Notez que c'est un petit récit bien construit : bien clôturé par une montée sur la montagne au début et une descente à la fin. La montée se fait sans parole, la descente donne lieu à un court entretien.
2. Remarquez que Jésus prend « avec lui » trois disciples pour la montée, puis en haut, il est transformé (pas seulement transfiguré) « devant eux ». L'expérience sur la montagne sera pour les disciples, et non pour Jésus comme au baptême.
3. Seulement trois disciples et les mêmes qu'en deux autres moments importants de la vie de Jésus!
4. Sur la montagne, on est doublement sorti de la vie ordinaire : en hauteur (montagne très élevée) et complètement à l'écart.
5. Ce qui est décrit, ce ne sont pas les conditions normales de la vie : et le langage est comme en manque pour dire cette expérience mystérieuse qui dépasse les disciples présents. Un monde où Élie et Moïse sont contemporains et s'entretiennent avec Jésus, ce n'est plus le monde terrestre. Et Pierre voudrait y rester et que cela dure..., en retrait du monde ordinaire...
6. Remarquez que l'événement sur la montagne comporte deux dimensions: Une vision de Jésus d'un monde hors du temps et de l'espace quotidien; puis la nuée met fin à la vision et entre en scène une parole venue d'un lieu mystérieux, pour une écoute appelée à se maintenir...
7. Pourquoi pensez-vous que les disciples doivent attendre la « levée » ou la « surrection » (j'aime mieux traduire ainsi) de Jésus d'entre les morts pour parler de cette expérience vécue sur la montagne?

Voilà des observations qui vous aideront à mieux lire le texte évangélique et à saisir que ce récit est donné pour nous aider à entrer dans le mystère de l'identité de Jésus. Ce qui ne veut pas dire comprendre clairement. L'important est de rester à l'écoute et à la suite, comme les disciples, car comme eux nous avons besoin de temps pour bien entendre...

Jean-Yves Thériault, 28 février 2012

1er dimanche de Carême, année B.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 1, 12-15

Traduction de la Bible de la liturgie : Jésus venait d'être baptisé. Aussitôt l'Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient. Après l'arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. »

Je propose une traduction plus proche de la lettre du texte : (Et une voix advint des cieux: « Toi, tu es mon fils le bien-aimé, en toi j'ai mis mon plaisir. ») Et aussitôt l'Esprit le fait sortir dans le désert. Et il était dans le désert quarante jours éprouvé par Satan et il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient. Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée proclamant l'heureuse annonce de Dieu et disant que « le bon moment est rempli et le royaume de Dieu est devenu proche, changez d'esprit (ravisez-vous) et croyez dans l'heureuse annonce. »

1. On voit que dans la version liturgique, le segment « Jésus venait d'être baptisé » a été ajouté pour aider à l'interprétation du texte lu en assemblée. C'est bien! Notons cependant que le « Et aussitôt » arrive immédiatement (dans le texte) après l'audition de la voix céleste, ce qui implique que « l'épreuve » de Jésus tient à sa reconnaissance comme « fils bien-aimé ».

2. Qui pousse Jésus vers cette épreuve? Est-ce donc une épreuve négative ou positive?

3. Avez-vous remarqué qu'il n'est pas question de jeûne en Marc?

4. En traduisant « heureuse annonce » au lieu de « bonne nouvelle » on saisit mieux qu'il s'agit non seulement d'écouter un message mais aussi d'un acte d'annonce qui concerne aussi « l'annonceur ».

5. Remarquez que l'annonce s'exprime en deux dimensions : des figures de l'espace et du temps.

6. Enfin, deux ACTIONS sont appelées par l'heureuse annonce. Comme toute la suite de l'évangile va contribuer à faire « entendre » quelque chose de ces deux actes fondamentaux (se convertir et croire) il est trop tôt pour les définir sans recourir à nos savoirs acquis. Mais on peut déjà saisir : a) qu'il est nécessaire d'abandonner un « esprit » pour se soumettre à un autre (peut-être, celui qui anime Jésus comme fils bien-aimé); b) qu'il s'agit, selon le texte original, de « croire DANS l'heureuse annonce ». Celle-ci n'est pas seulement un « objet » de connaissance à croire, mais comme un « milieu de vie » dans lequel est appelé à se mouvoir celui qui croit. Cela fait entendre différemment ce que c'est que de « croire ».

Ces observations vous aident-elles à mieux lire le texte évangélique? Vous posent-elles questions? Pouvez-vous en retenir quelque chose qui fait que ce texte fait sens dans votre vécu d'aujourd'hui?

• Voici donc quelques questions auxquelles je vous invite à répondre.

Jean-Yves Thériault, 23 février 2012

7e dimanche du temps ordinaire, année B.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Marc 2, 1-12

Jésus était de retour à Capharnaüm, et la nouvelle se répandit qu'il était à la maison. Tant de monde s'y rassembla qu'il n'y avait plus de place, même devant la porte. Il leur annonçait la Parole. Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé, porté par quatre hommes. Comme ils ne peuvent l'approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de lui, font une ouverture, et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés. » Or, il y avait dans l'assistance quelques scribes qui raisonnaient en eux-mêmes : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui donc peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? » Saisissant aussitôt dans son esprit les raisonnements qu'ils faisaient, Jésus leur dit : « Pourquoi tenir de tels raisonnements ? Qu'est-ce qui est le plus facile ? de dire au paralysé : 'Tes péchés sont pardonnés', ou bien de dire : 'Lève-toi, prends ton brancard et marche' ? Eh bien ! Pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de pardonner les péchés sur la terre, je te l'ordonne, dit-il au paralysé : Lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi. » L'homme se leva, prit aussitôt son brancard, et sortit devant tout le monde. Tous étaient stupéfaits et rendaient gloire à Dieu, en disant : « Nous n'avons jamais rien vu de pareil. »

• Voici quelques questions auxquelles je vous invite à répondre :

Quelle différence voyez-vous entre le début et la fin du récit :
      - Quant à la maison où se trouve Jésus ?
      - Quant à l'état de l'homme paralysé ?
Qu'est-ce que Jésus a VU pour que le texte dise : "VOYANT leur foi" ?